J'ai ouï-dire que l'album Cabane perchée abrite une musique à trémas, trémas déjà sur voyelles, sur le i du guitariste hongrois Csaba Palotaï, sur le u du percussionniste anglo-catalan Steve Argüelles, deux émigrés à Paris depuis pas mal d'années. Mais ici le tréma fédère au lieu de séparer ce qui est à entendre. De manière contiguë, les deux virtuoses ont croisé deux aïeuls qu'ils ont fait coïncider, le Hongrois Béla Bartók dont Palotaï a transcrit pour guitare acoustique les Mikrokosmos, et le New Yorkais Moondog dont Argüelles a imité les timbres archaïques. Naïvement le maërl a pris sans ambiguïté, le canoë glissant sur la moëre pour rejoindre la cabane perchée. Palotaï harponne au foëne et sculpte héroïquement à la boësse et à la bisaiguë la faïence pianistique de Bartók tandis que Argüelles, stoïque, pique à la baïonnette les rythmes du Viking de la 6e avenue. Chassant Azraël du temple, il frappe des guitares préparées de pointes aiguës. J'ai même cru entendre des claquettes de danseur irlandais au détour d'une piécette. Rien de voltaïque, tout est acoustique. L'un et l'autre évitent pagaïe et capharnaüm avec l'évidence des laïcs païens. Si votre écoute est trop exiguë, il vous reste la ciguë, car il y a vraiment de quoi s'amuïr devant cet astéroïde enregistré à Budapest en août dernier.


→ Csaba Palotaï et Steve Argüelles, Cabane Perchée, CD Label BMC Records, distribution Socadisc