L'alliance de la viole de gambe et de la contrebasse donnent à la fois un aspect ancien et moderne à la musique.
Cela n'a rien d'étonnant. Baroque et contemporain s'entendent souvent comme larrons en foire. Oh ce n'est pas que les créations du contrebassiste Jean-Philippe Viret et du gambiste Atsushi Sakaï soient folichonnes ! Ces deux-là sont plutôt graves, à l'image de leurs instruments. Entendre que c'est du sérieux. La rigolade se cantonne au hors-champ. J'avais été surpris par l'ambiance enjouée des loges lors des concerts de musique baroque, climat plus proche de celui du jazz que des classiques bien coincés. L'improvisation et la recherche sont le lot des anciens et des modernes. Ailleurs (un entre-deux ?) l'orthodoxie règne en maître, apanage d'une bourgeoisie figée dans ses us et coutumes. N'y voir aucune critique musicale, aucune époque ne m'est étrangère ou récalcitrante, même si mes affinités électives me tirent vers le romantisme et l'invention radicale, toutes périodes et styles confondus évidemment.


L'alliance de la viole de gambe et de la contrebasse donnent à la fois un aspect ancien et moderne à la musique.
Les cordes, frottées, frappées ou pincées, jouent sur ces deux tableaux. Elles n'ont pas d'âge, résistant mieux que n'importe quel autre instrument à l'électricité et à la surenchère sonore. Le duo est à la fois minimal et riche en harmoniques. Lorsqu'ils ne jouent pas leurs propres compositions, Jean-Philippe Viret et Atsushi Sakaï, que j'avais jusqu'ici entendu au violoncelle, remontent le temps en reprenant Jehan Simon Hasprois, Thomas Tallis et Guillaume de Machaut. Machaut ("aime assez à chahuter", comme l'épelait Bernard Vitet pour qui la Messe de Notre Dame était un des modèles) est de plus en plus reconnu par les contemporains, comme ils ont recours à la viole de gambe qui donne une couleur intemporelle à leurs compositions (il y en a d'ailleurs deux parmi les 18 musiciens du tout récent orchestre "La Sourde" monté par Samuel Achache, Antonin-Tri Hoang, Florent Hubert et Ève Risser). En tout état de causerie, on appréciera la délicatesse de Fin' Amor du duo Viret-Sakaï, introspectif et souterrain.

→ Jean-Philippe Viret - Atsushi Sakaï, Fin Amor, CD Côté Cour Production (CCProd)