Un soir où Irvin Kershner était venu dîner à la maison, je lui avais fait entre autres écouter le disque Western que Francis Gorgé et moi avions enregistré sous les pseudonymes de Frank Bugs et Mellow Marx. Kersh, c'était le réalisateur de L'Empire contre-attaque (donnant naissance à Yoda), du James Bond Jamais plus jamais et du western La revanche d'un homme nommé cheval, aïe ! Déjà que le disque Science-Fiction que nous avions également signé lui avait un peu fait froncer le nez, notre interprétation spaghetti de certains titres l'avaient fait franchement grimacer. Je comprends mieux son désaccord après avoir revu Django de Sergio Corbucci avec Franco Nero, justicier aux yeux bleu électrique. Là où les Américains prétendent à une vérité historique, storytelling faisant le plus souvent abstraction du génocide indien, avec toute la gravité de la violence qui, elle, n'a pas été gommée, les Italiens ont pratiqué le genre avec humour et décalage, sortes de comédies macabres où l'exagération est de mise. En se la jouant sérieux à son tour, Sergio Leone effaça les traits les plus décalés qui sont pourtant l'apanage de la comédie italienne, et toute ressemblance avec tant de personnes existantes ne peut être fortuite.


Entre la chanson de Luis Bacalov (le compositeur) et Franco Migliacci (l'auteur) par Rocky Roberts et le nombre de fois où son nom est prononcé dans ce film de 1966, les oreilles de mon chat n'ont pas arrêté de siffler. Pourtant j'imagine que c'est à Reinhardt que je pensais en le baptisant ainsi, même si ses tableaux de chasse, du temps où il passait ses vacances à la montagne, étaient impressionnants. En tout cas, le film de Corbucci est réussi, tant pour le scénario que pour l'interprétation, l'action, l'esthétique... Et l'humour !


Mais dès les premières images de El Chuncho de Damiano Damiani, je me rends compte que l'Italie possède également une tradition de cinéma politique. On n'a envie de ne rater aucun plan. Ils font simplement sens. Rosselini, Pasolini, Damiani, Pontecorvo, Petri, Rosi, Bellochio et bien d'autres avançaient en même temps que Monicelli, de Sica, Comencini, Risi. La frontière n'est pas aussi nette. El Chuncho Quién sabe? joue sur les valeurs morales de la révolution zapatiste. L'incontournable Gian Maria Volonte en est le héros mexicain aux côtés de Klaus Kinski en moine rebelle et Lou Castel en agent américain infiltré. La conscience politique naît chez les pauvres. Les bandits prennent parfois fait et cause. La dialectique de El Chuncho dépasse largement le machisme simpliste du justicier Django. Le spectacle n'en est pas moins présent. Il est par contre plus difficile de s'identifier à des personnages aux intérêts et pulsions contradictoires. Mais l'arrogance et le cynisme des puissants les perdent à tout coup. Le problème aujourd'hui, c'est qu'ils entraînent avec eux toute la planète.

→ Sergio Corbucci, Django, DVD / Blu-Ray Carlotta 20€, sortie le 3 novembre 2021
→ Damiano Damiani, El Chuncho, DVD / Blu-Ray Carlotta 20€, sortie le 3 novembre 2021