La tête en bas, les pieds en l'air, c'est ainsi que je me vois, "Monsieur Tout-à-l'envers" comme m'appelait une amie philosophe. Lors de mes années de collège c'est ainsi que je prétendais réfléchir, en faisant le poirier sur mon lit le long du mur. Comment me viennent mes idées ? Pas d'où, mais comment. Je me le suis souvent demandé. Par exemple, en 1979 après les deux premières années d'Un Drame Musical Instantané j'ai cherché à comprendre d'où nous venait cette musique que personne n'arrivait à classer. L'analyser nous a fait passer de l'improvisation la plus débridée à la composition expérimentale. En 2008 j'ai écrit L'étincelle pour le magazine Poptronics, six pages illustrées et sonorisées pour tenter de comprendre comment je procède. En 1980, le spectacle Rideau ! était une manière spectaculaire d'aborder notre discours de la méthode. Je me rends bien compte que c'est l'une des composantes majeures de mon travail, avec l'histoire d'une vie, de la naissance à la mort, ce qui revient au même, soit l'aspect vectoriel de tout ce qui m'intéresse.
Je m'étais octroyé trois mois de pause, un mois de vacances en tour de France à rendre visite aux copains avant mon opération et deux mois de convalescence où je me suis interdit de toucher un instrument et de penser à quoi que ce soit de créatif. J'avais même arrêté d'écrire ici, autant que possible. Tout ce que j'ai fait jusque là me plaît toujours, mais je n'avais plus envie de continuer sur cette lancée. Il faut bien dire que j'avais enregistré cinq albums au printemps dont j'étais très content, des rencontres excitantes et prolifiques. J'avais besoin d'inventer quelque chose de nouveau. C'est un défi que je m'impose environ tous les dix ans. Fréquence arbitraire. Le principe vient de mon désir de faire ce qui ne se fait pas puisque ce qui est fait n'est plus à faire. Dès mes premières compositions l'idée fut probablement de créer ce que j'avais envie d'entendre sans l'avoir rencontré. Comme j'écoute, et accessoirement chronique, toutes sortes de musiques actuelles ou anciennes, je suis plutôt repu et le manque se fait rare. Ce n'est pas en me plantant devant une page blanche que j'avais une chance que cela vienne. Il faut laisser l'esprit vagabonder sans y penser. L'étincelle jaillit soudain là où l'on ne l'attendait pas. Je me souviens avoir eu en 1991 celle qui donna naissance aux albums Urgent Meeting et Opération Blow Up en saisissant la poignée de la porte de la cuisine en Bretagne. Comme un coup de foudre. La semaine dernière, j'écoutais Radio Libertaire comme chaque matin en suant dans le sauna. J'ai pensé à Bernard. Je pense souvent à Bernard et à son esprit de contradiction. Voilà un mois que je cherchais à échapper à tout ce que j'écoute et qui se fait aujourd'hui. Or je venais de comprendre que c'était exactement le contraire qui m'animerait. C'est souvent en essayant d'imiter quelque chose qu'on ne sait pas faire que l'invention prend forme. En l'espace d'une seconde je tenais le titre de l'album et son concept.