Bernard Vitet, les débuts
Par Jean-Jacques Birgé, jeudi 6 janvier 2022 à 07:42 :: Musique :: #4921 :: rss
Me promenant au Père Lachaise, j'ai constaté que la présence de Bernard Vitet était enfin signalée sur la tombe qu'il partage avec ses grands-parents, ses parents, l'un de ses fils et un invité qui a tapé l'incruste, mais mon camarade n'est plus là pour s'en étonner. Tout s'explique pour qui connaît le dessous de l'affaire. Je me demande néanmoins ce qui est arrivé à Emmanuel, son fils aîné disparu quelques mois après lui. La lignée s'est éteinte. Heureusement Bernard continue à exister dans nos mémoires et grâce aux nombreux enregistrements qu'il a réalisés de 1954 à 2004, ici deux de ses plus anciens...
JACK DIÉVAL, BERNARD VITET, ART TAYLOR... À BELGRADE
Article du 21 mars 2009
Après avoir dégoté sur eBay Surprise-Partie avec Bernard Vitet, son premier disque, j'ai trouvé la réédition en 33 tours 25 cm, remasterisation conforme à l'original, de l'enregistrement du quintet de Jack Diéval des 4 et 5 mars 1961 sur Jugoton. Le pianiste est accompagné par Bernard Vitet au bugle, François Jeanneau au ténor, Jacques Hess à la basse et Art Taylor à la batterie. Même si Cosmic Sounds, situé en Grande-Bretagne, a mis deux mois à me l'envoyer, je suis content de poser sur ma platine tourne-disques cet enregistrement dont m'a plusieurs fois parlé Bernard. Les notes de pochette ont été heureusement traduites en anglais, avec certes pas mal de petites erreurs, mais on apprend tout de même que Pennies from Heaven, Moonlight in Vermont et Gloria occupent la première face avec en invités le ténor Eduard Sadjil et le trompettiste Predrag Ivanović. Sur la seconde, Theme n°4, My Birthplace et Bon Voyage sont des compositions yougoslaves de ce "modern jazz". Ce disque constitue le volume II du tryptique Sastanak u Studiju (Meetings in Studio) enregistré par la RTB, la Radio Television de Belgrade en charge d'immortaliser les artistes nationaux, ici avec leurs invités français.
Bernard avait l'habitude de jouer avec Diéval pour sa célèbre émission de radio Jazz aux Champs-Elysées. Il jouait également très souvent avec Jeanneau, entre autres au Club Saint-Germain ; on peut les entendre ensemble chez Claude François (!), sur deux titres de la musique du film de Roger Vadim, ''La bride sur le cou'', avec Georges Arvanitas au piano (Jazz et cinéma vol.2, Universal) et évidemment Free Jazz (cd réédité par in situ) avec François Tusques, Michel Portal, Beb Guérin... Pour les concerts de Belgrade à l'origine du disque avec Diéval, Bernard était très flatté de jouer avec Art Taylor qui avait accompagné Miles Davis période Gil Evans, John Coltrane sur Giant Steps, Thelonious Monk, etc.
SURPRISE-PARTIE AVEC BERNARD VITET
Article du 21 mai 2008
Encore un miracle du temps qui passe ! Bernard nous avait bien raconté que son premier disque s'intitulait Surprise-Partie D, un des premiers 33 tours vendus en supermarché (Monoprix), dans les années 50. Il avait été produit par Isaïe Diesenhaus, un type qui enregistrait du classique à la va-vite. Bernard Vitet, ayant eu beaucoup de mal pour se faire payer, avait dû user d'un stratagème plutôt rock'n roll. Pas du même style, la musique alterne mambos, boléros, calypsos, fox-trots et slow dans une optique jazz-latino. C'est donc sur eBay et CDandLP que je décroche la timbale, deux exemplaires du disque mythique sous des pochettes différentes (nette préférence pour celle signée J.Paciarz), ce qui montre à Bernard, qui n'en possédait aucun, que l'arnaque s'est répétée ! Il s'attendait aussi à ce que ce soit très ringard, mais le résultat est plus que digne dans son genre easy listening.
Bernard, qui avait alors dans les vingt et un ans, n'y joue pas de la trompette, mais du trombone à pistons, "un instrument pourri, complètement déchargé". Il est accompagné du Belge Sadi Lallemand au vibraphone, marimba et bongos (il avait dirigé l'orchestre de Jacques Hélian lorsque celui-ci était tombé gravement malade), de Bib Monville au sax ténor (beau-frère de James Moody avec qui Bernard jouait également), de Bob Aubert à la guitare, de Pierre Franzini au piano, probablement de Pierre Sim à la contrebasse, mais il ne se souvient plus du batteur, à moins que ce ne soit Baptiste "Mac Kac" Reilles (une sorte de prince des gitans complètement allumé qui ne s'entendait pourtant pas très bien avec Sadi). Ensuite, mon camarade joue essentiellement avec des vedettes de variétés, comme Yves Montand, Serge Gainsbourg, Barbara, Jean-Claude Pascal, Isabelle Aubret, Jacqueline Danno, Brigitte Bardot et avec des jazzmen comme Kansas Fields, Guy Lafitte, Jean-Claude Fohrenbach, Jacky Knudde, Bibi Rovère, Charles Saudrais, Léo Chauliac, Hubert Rostain, Alix Combelle, Ivan Julien, Christian Chevallier... Le free jazz est venu plus tard.
Le vinyle de la Guilde Européenne du Disque porte le numéro SP53. La face 1 présente Oye Mambo (mambo signé Trianda), Dansero (boléro d'Haymann), Crazy Rythm (mambo-guaracha de Meyer), Pielcanella (de Capo, annoncé sur le macaron, mais semble-t-il non enregsitré !?), Temptation (boléro de Brown), Starling Rye (calypso de S.Sid), Toi qui disais (fox de Suesse). Sur la face 2 se succèdent Le loup, la biche et le chevalier (calypso d'Henri Salvador), I got you under my skin (boléro de Cole Porter), Dimanche (fox de Bib Monville), Jokin' the blues (fox de Vitet) et Isabel Day (slow de Bob Aubert), mais cette fois encore il y a un titre de plus que le nombre de plages.
Au dos de la pochette jaune et orange, on peut lire les Conseils pour l'emploi des disques microsillon : "Les disques microsillon sont moulés en résine vinylique, donc pratiquement inusables. Ne les utilisez qu'avec un pick-up léger à saphir-microsillon. Vérifiez fréquemment l'état de votre saphir et changez-le toutes les 100 faces au plus. Pour conserver vos disques en bon état de propreté, essuyez-les avec soin dans le sens des sillons, à l'aide d'une chamoisine antistatique."
BERNARD VITET À LA TÉLÉ
Article du 26 février 2014
L'INA est une mine d'or pour qui veut fouiner dans les archives de la télévision. Jacques me signale une émission en direct de Jean Christophe Averty présentée par Sim Copans avec Georges Arvanitas au piano, Bob Garcia au sax ténor, Bernard Vitet à la trompette, Luigi Trussardi à la basse, réunis par le batteur Mac Kac dans la cave du Club Saint Germain sur un thème de Jay Jay Johnson. Un couple danse sur la piste. Jazz Memories du 7 novembre 1959 !
Ici le lien vers l'archive INA
Les enregistrements avec mon camarade Bernard Vitet sont plutôt rares. Les deux Châteauvallon de 1972 et 1973 avec Le Unit, soit Michel Portal, Beb Guérin, Léon Francioli et Pierre Favre, sont évidemment mes préférés. Mais je suis ravi de découvrir cette séance d'enregistrement de février 1961 dans un studio des Champs Élysées avec le quintet d'Arvanitas, Bernard cette fois au bugle, François Jeanneau au ténor, Pierre Michelot à la basse et Daniel Humair à la batterie.
Bernard est passé du be-bop au free jazz avant de quitter tout cela pour fonder avec nous Un Drame Musical Instantané en 1976. D'un commun accord et à sa demande Francis et moi avons cessé de l'appeler Babar, son surnom d'une époque révolue. Seuls ses vieux camarades continuaient à l'affubler de ce sobriquet qu'il détestait. Il n'avait de cesse de perdre l'embonpoint qui le lui avait valu à s'en rendre malade. Il se serrait la ceinture comme un fou et finit par ne plus rien manger. Il n'empêche qu'il ne perdit jamais la classe, soignant son look jusqu'au bout. Voyez la bagouse !
New School du 17 août 1971. Le free jazz est sur toutes les lèvres. Le quintette du contrebassiste Beb Guérin invite le ténor Barney Wilen à jouer de l'ocarina, le pianiste François Tusques du xylophone et de la scie musicale, et le batteur Noël McGhie à frapper délicatement ses cymbales.
Bernard a encore changé d'instrument... Et de look ! Il joue là d'une trompette de poche que je ne lui connais pas, mais ce n'est pas celle de Joséphine Baker qu'il a fini par vendre à Don Cherry.
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