J'avais toujours dit que si nous nous séparions, je m'inscrirais sur les réseaux de rencontres pour retrouver l'âme sœur. Lorsque c'est arrivé, sans que je m'y sois préparé, je pensais que ce serait simple, voire excitant. Que nenni ! Ce fut laborieux et pas franchement couronné de succès. Ce n'est pas tout à fait juste. J'y plongeai d'abord pour oublier la douleur de l'absence. Cela s'est mis de plus en plus à ressembler à un jeu vidéo tandis que mes conversations et mes rendez-vous tenaient plutôt de l'ethnologie. En choisissant astucieusement les sites, je fis la connaissance de femmes toutes passionnantes, trois écrivaines, deux psychanalystes, une chorégraphe, une musicienne, une graphiste et d'autres intellectuelles particulièrement bienveillantes. J'y croisai des personnes dont l'environnement social était devenu certainement trop étriqué. Je ne m'ennuyai qu'une seule fois, avec une femme célèbre (les autres ne l'étaient pas moins !) spécialisée dans la sociologie des sentiments, mais qui de toute évidence ne jouait pas le jeu. Je restai en contact avec certaines devenues depuis des amies, mais de toute cette période je ne partageai pas même un baiser. Lors d'une fête chez des amis je finis par rencontrer une personne charmante et nous nous plûmes aussitôt. Cette liaison dura seulement seize mois et j'en garde d'excellents souvenirs, même si la rupture fut décevante. La souffrance génère parfois d'imprévisibles comportements. Je replongeai alors dans la virtualité, espérant toujours que si je me trouvais là, d'autres auraient le même espoir jusqu'à partager le désir. Je connaissais plusieurs couples ayant pratiqué ce sport et qui nageaient toujours dans le bonheur, exemples encourageants pour moi qui n'ai aucun goût pour le célibat. Et puis c'est arrivé un jour, à tel point que j'ai du mal à me souvenir de la période évoquée plus haut ! Tout cela pour introduire le petit article du 10 avril 2009 que j'avais écrit sur La fabrique des sentiments.

Après Violence des échanges en milieu tempéré (autre article ici), Jean-Marc Moutout signe un second film tout aussi remarquable, cette fois autour du speed dating, rencontres express entre célibataires ou du moins supposés. La direction d'acteurs est exceptionnelle. Je n'avais jamais été emballé par Elsa Zylberstein qui trouve ici son meilleur rôle aux côtés de Jacques Bonnaffé et Bruno Putzulu. Il faut parfois du temps aux comédiens pour trouver leurs marques. Pour une femme seule, à 36 ans, la question des enfants et du couple se pose de façon critique. Moutout en dessine un portrait tout en nuances et il l'entoure d'hommes plus craquants les uns que les autres. C'est très fort. On est loin des schémas machos éculés, dans la vraie vie comme au cinéma ! Le montage du film sert une mise en scène sobre et inventive. Jean-Marc Moutout est un des cinéastes les plus intéressants du moment et l'on peut espérer que les producteurs lui offriront les moyens de continuer de nous étonner par son regard acéré sur les mœurs de nos contemporains. [...]


Je n'ai pas vu De bon matin réalisé en 2011, mais la mini-série de 2018 Victor Hugo, ennemi d'État que j'ai commencée me semble un peu trop dramatique télé, ce n'est jamais facile de diriger une foule sans les moyens adéquats, c'est peut-être aussi une différence cruciale entre les comédiens français et les anglo-saxons.