J'embraye sur ce que m'inspire la photo de mon set. C'est probablement barbant si l'on n'est pas branché par le sujet... Lorsqu'on est entouré de machines la disposition est essentielle. C'est d'autant plus crucial quand il s'agit d'improviser. Les commandes doivent tomber sous les doigts, en aveugle. Dans la cabine des instruments acoustiques, ceux que je laisse toucher mes instruments ont la consigne de les remettre exactement à l'endroit où ils les ont trouvés. Je fais en sorte de pouvoir jouer les yeux fermés. L'opération est hélas impossible avec l'ordinateur, même si l'agencement des fenêtres sur l'écran obéit à une loi quasi identique. Entouré de claviers, j'ai l'impression d'être un de ces claviéristes pop des années 60-70 que j'allais écouter en concert. Keith Emerson, Mike Ratledge, Herbie Hancock, George Duke... En déplacement j'emporte le minimum, faisant louer un clavier lourd de 88 notes, alors que le studio me permet tous les délires. Et il reste un grand espace pour que mes invités se sentent à l'aise.
Il y a 16 ans j'avais écrit un petit article sur l'agencement du Studio GRRR. J'ai conservé tous mes instruments d'alors, mais je ne m'en sers plus beaucoup. Mon outil principal est le logiciel Kontakt, et sa déclinaison, Komplete, jumelé avec un clavier conçu pour lui, avec des boutons physiques. J'utilise également trois autres moteurs virtuels, UVI, Soundpaint et Roli. Les deux grands claviers du fond sont aujourd'hui vintage, un Ensoniq VX-SD et un Roland V-Synth, moins anciens tout de même que le PPG et le DX7SuperMax remisés dans la cabine. Je continue à m'en servir pour avoir programmé tous les sons qu'ils abritent. Le petit noir est un Roli 5D et le petit blanc est la réplique miniature (en taille) de mon premier synthétiseur, l'ARP 2600. De gauche à droite sur l'étagère, une radio branchée sur l'Enner, un Kaospad que traverse le Lyra-8. J'ai oublié l'appareil qui m'occupe le plus ces temps-ci, le Cosmos, station à mémoires dérivantes. Ces trois machines brintzingues sont des créations du fabricant russe Soma. En haut à droite on aperçoit un Waldorf que je n'ai pas allumé depuis belles lurettes. Dans le fond un Theremin, un AirSynth et un de mes synthés-jouets chinois dégottés chez Tati. Je vous épargne le hors-champ, cette énumération étant suffisamment fastidieuse.
Lorsque des visiteurs admirent les centaines d'instruments acoustiques qui encombrent la cabine, je rectifie. Ce n'est pas une "collection", mais des outils, les instruments de mon travail. J'ai juste la chance qu'il se confonde avec ma passion. Ce matin, je me suis levé à six heures et j'ai filé directement au studio pour chercher des sonorités inédites qui fonctionnent les unes avec les autres. Trois heures plus tard, repoussant mon fauteuil à roulettes, j'ai pris cette photo, parce que rien ne dit que le set soit le même la fois prochaine. L'après-midi j'accueillais l'électroacousticienne Gwennaëlle Roulleau avec qui j'enregistrerai un nouvel album à la mi-mai, reprenant ma série de rencontres initiée avec Pique-nique au labo.