Sun Ra continue à appeler la Terre
Par Jean-Jacques Birgé, mercredi 8 juin 2022 à 06:04 :: Musique :: #5042 :: rss
J'avais déjà signalé Space is the Place, le DVD du long-métrage de science-fiction très bizarre de John Coney avec Sun Ra, que m'avait indiqué Étienne Brunet, un cocktail black power et free jazz aussi ringard que fascinant.
Cette fois Gary May m'envoie ce clip d'un quart d'heure que j'ignorais, light-show psychédélique réalisé avec le synthétiseur visuel de Bill Sebastian, l'Outerspace Visual Communicator ! Inventé en 1978, l'instrument est équipé d'un doigt électronique et de 400 touches contrôlant couleurs, symétries et mouvements. Le "peintre" manipule ainsi ses rotations, compressions, zooms, etc.
Le clip a été réalisé au Mission Control de Boston en 1986 avec Sun Ra (claviers, voix) et son Arkestra : Ra-keyb (voix), Al Evans et Fred Adams (trompette), Tyrone Hill (trombone), Marshall Allen (sax alto), John Gilmore (sax ténor), Danny Ray Thompson (sax baryton), Eloe Omoe (clarinette basse), James Jacson (basson, percussion), Bruce Edwards (guitatre électrique), John Brown (batterie), June Tyson (voix, danse). Aux commandes de la réalité virtuelle : Michael Ray, Barday, Eddie Thomas (Thomas Thaddeus), Atakatune.
Vous connaissez probablement mon attachement au light-show qui marqua mes premiers balbutiements artistiques avant de rentrer à l'Idhec et de monter sur scène. Ma petite sœur Agnès et moi avions joué le rôle de mascottes de l'Arkestra au tout début des années 70. Assistant aux répétitions des Nuits de la Fondation Maeght en 1970, nous avons tout de suite été adoptés par le percussionniste Nimrod Hunt (Carl S. Malone) qui nous présenta au reste de l'Arkestra. Le contrebassiste Alan Silva, qui chez Sun Ra ne jouait que du violon coincé entre les genoux, taquinait ma petite sœur en évoquant la comédienne Agnes Moorhead. C'est seulement au bout d'un grand nombre de concerts que je réussis à interroger "le maître", comme l'appelaient tous les membres de l'orchestre. Il était, sinon, inapprochable, planant au-dessus de la mêlée comme un être déplacé, on dira littéralement sur une autre planète ! C'est à cette époque que je mis en contact Alan et le saxophoniste Frank Wright que j'avais rencontré chez Giorgio Gomelsky (l'impressario des Rolling Stones !) et qui ignorait sa récente arrivée sur le sol français. Avec le batteur Muhammad Ali et le pianiste Bobby Few ils allaient former le quartet de free jazz le plus puissant et le plus présent de la scène parisienne.
Sun Ra et Harry Partch marquèrent certainement les deux chocs orchestraux de mon adolescence.
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