Comme toujours sous la plume au poil de Franpi Barriaux un bel article sur le CD Plumes et poils d'Un Drame Musical Instantané reformé pour l'occasion. Trente ans que je n'avais pas enregistré avec Francis Gorgé et toujours autant de plaisir et de complicité, comme avec le poète Dominique Meens... C'est dans Citizen Jazz !

Il y a presque 30 ans, l’écrivain et poète Dominique Meens faisait paraître Ornithologie du promeneur, qui observait les oiseaux. Dans un article de Libération, à l’occasion de cette sortie, Meens suggérait : « L’ornithologue explique l’oiseau à l’homme, j’explique l’homme aux oiseaux » ; dans « Alors Voilà » et ses cloches de montagne qui inventent une vallée à l’oreille des auditeurs, entre piaillements de petits oiseaux et autres nappes narratives, le poète nous parle d’un corbeau des sommets et de son sens du rythme. La mise en scène est l’œuvre de Jean-Jacques Birgé et de Francis Gorgé, deux compères qui ont le sens de l’image. Mais la fresque n’est pas que naturaliste, et les quinze titres de Plumes et Poils permettent d’autres ambiances à l’image d’« instantanés » et de son approche plus abstraite, morcelée, où les oiseaux sont de passage.
Il y a trente ans, Un Drame Musical Instantané (UDMI) se séparait. On a pu bénéficier, depuis, de nombreuses rééditions, mais après la mort de Bernard Vitet, indéfectible dernière arête du triangle, on pensait que le mythique orchestre avait la destinée des ptérodactyles, définitivement éteints malgré la fascination qu’ils continuent d’exercer. C’était compter sans l’envie qu’avaient Birgé et Gorgé de se retrouver réunis, que l’on peut goûter dans « Piquets », construction typique de l’UDMI, entre sons électroniques agissant comme un psychotrope actif et générateur d’images, profusion des instruments et soudaines explosions de guitare. Vitet manque, bien sûr, mais on pourrait parfois l’entendre flotter, au moins dans les souvenirs. Voire dans la performance de Dominique Meens qui habite ses textes avec une théâtralité que le trompettiste n’aurait pas reniée. Notamment la crudité sardonique de la scène de chasse de « Sus Scofra ».
Dominique Meens ne remplace pas Bernard Vitet dans UDMI. Personne ne remplace Vitet. Mais le poète connaît bien l’univers du groupe : il a travaillé avec ses membres dès les années 70, et Plumes et Poils est l’occasion de faire revivre une parole et un univers toujours aussi singulier. On observe le monde qui tourne avec le disque, et les oiseaux et les mammifères qui le peuplent semblent l’observer avec nous, comme dans un miroir vaguement déformant ou inquiétant (« Hirondelle »). Le travail de Jean-Jacques Birgé sur le futur et l’apocalypse climatique est aussi passé par là. L’évaporation des oiseaux est un drame. L’extinction de masse est un drame. Plumes et Poils est un drame musical instantané : la possibilité divergente de mettre un peu de poésie et d’inattendu dans l’inéluctable processus.