Histoires d'A permet de se souvenir ou d'apprendre comment les femmes ont obtenu en France le droit à l'avortement en 1975 grâce à un mouvement de désobéissance civile. Ce film tourné deux ans plus tôt de l'intérieur du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception), dont les militant/e/s revendiquaient la pratique d'avortements gratuits, fut totalement censuré, la police traquant les projections clandestines. Le ministre des Affaires Culturelles Maurice Druon l'avait fait interdire à la diffusion publique comme privée, ainsi qu'à la vente à l'étranger. Le ton est celui des films militants de l'après 68, la parole est libre, on s'interroge, on se révolte contre les absurdités de la société. L'aveuglement et le mutisme de l'Ordre des Médecins favorisait des méthodes clandestines dangereuses (aiguille à tricoter, cintre, eau de Javel, etc.) et honteusement onéreuses. Les femmes d'aujourd'hui ne savent pas toujours ce qu'elles doivent à leurs aînées. Le féminisme trouve dans ce combat un terreau permettant d'envisager de multiples transformations des esprits. Se posent les questions de la contraception, du désir féminin, de la phallocratie, du machisme... Et des actions d'éclat pour faire changer les mœurs... Le film participera à faire dépénaliser l'IVG (Interruption Volontaire de Grossesse). Ce sera la loi Veil.
Une opération par aspiration selon la méthode de Karman y est filmée de bout en bout, commentée en direct dans les moindres détails, de manière didactique, pour rassurer la patiente. Au cours de réunions les femmes revendiquent des conditions décentes et légales que la loi leur refusait. Les témoignages sont passionnants, édifiants. La solidarité s'y expose, ce combat exemplaire laissant espérer que les femmes et les hommes d'aujourd'hui se ressaisissent face aux conditions iniques qu'elles et ils subissent.


Marielle Issartel, la monteuse qui a cosigné le film, travaille à faire reconnaître l'œuvre cinématographique de son compagnon, le réalisateur Charles Belmont, décédé il y a onze ans. Son rythme nous emporte, séquence après séquence. J'avais évoqué dans cette colonne son merveilleux L'écume des jours d'après le roman de Boris Vian. Avec humour le compositeur Jean Schwartz sonorise au synthétiseur certaines scènes d'Histoires d'A (clin d'œil au roman érotique Histoire d'O de Pauline Réage). L'image est de Philippe Rousselot, le son de Pierre Lenoir. En supplément inclus dans le DVD, Marielle Issartel offre le documentaire Histoires sans fin (des droits sexuels et reproductifs) qu'elle a réalisé cette année. Passé les témoignages sur le film de 1975 près d'un demi-siècle plus tard, elle y aborde la bataille de la pilule du lendemain et de l’avortement médicamenteux, le don de sperme pour les personnes trans, le désir de naissance et la GPA, le racisme chez les anti-choix (mais pas seulement chez les anti-choix !) , etc. DVD indispensable.

→ Charles Belmont & Marielle Issartel, Histoires d'A, DVD L'éclaireur, 17€... Et en salles...