Secret de polichinelle. La grande évasion. L'imagination. Ainsi je fais ce qui me plaît envers et contre tout. Jusqu'à penser que je suis amoureux. De tous et de tout. Même des pires mammifères, notre espèce. Mais pas du système. Le capitalisme rend fou. Cet irrépressible besoin d'aimer me donne le vertige et me rend idiot. Une obsession. Je fais pour le mieux au milieu du pire. Travail de petitan. Sommeil réduit au minimum. La douleur est inévitable. Comme la mort elle fait partie du jeu. Chaque matin je sue trente minutes sur ma selle. Compte à rebours. Jusqu'au bout du bout. Le sauna achève de me liquéfier. Moins souvent qu'avant. Je zappe. Éponger. Étirements. Je fonds. Ça se voit. Investissement libidinal de l'exercice. Musique. Cinéma. Écriture. Main forte. Solidarité. Complicité. Écoute. Conseils. Bilan. Et l'amour dans tout ça ? C'était hier ma dernière photo de sexagénaire. Il ne pourrait pas y en avoir une autre. Ella & Pitr auraient préféré titrer En roue libre. C'eut été plus juste, mais l'idée leur est venue trop tard. C'était peint. "So shall it be written, so shall it be done" scandait l'autre chauve. Biblique. Me voilà verni. "E'arrivato dans l'panneau" ! Musique de Nino Rota ou d'Elmer Bernstein ? Affublé de mes dix commandements. Oui, c'est bien cette fois dix. Chacun les siens. En couple j'eusse organisé une grande fête, mais le cœur n'y est pas. Partie remise. Je me suis fait à l'idée de bouffer des nouilles. Un opéra simple. Sans bougies. Souffler n'est pas jouer. Le mot à la mode est résilience. Ma spécialité. Dragonnée. L'impatience m'a toujours porté chance. Il suffit de prendre le temps. De conjuguer le verbe au bon mode. Masculin féminin. Esprit, es-tu là ? Seul, je glisse sur la pente du je. Peu importe la couleur de la piste. Tous les nombrils du monde. Ça raisonne comme ça résonne. Tel une ombre j'aligne les chiffres. Pas croyable. Et tout cela parmi les décombres...
Mais d'abord je me suis réveillé avec une drôle de sensation. Un changement de repères radical que je n'avais jamais perçu lors des années précédentes. D'habitude je ne ressens rien, adoptant la notion carrollienne de non-anniversaires de manière à faire de chaque jour une fête. Or là je regarde tout sous un angle inédit. Comme si la vie avait pris du poids. Un anti-poids serait plus juste, comme existe l'anti-matière. Une version allégée. Une renaissance. Un courant d'air. Je l'avais craint en m'endormant, je l'adoptai en ouvrant les yeux. Je souhaite ainsi à toutes celles et ceux que j'aime un joyeux anniversaire à venir, que les plus jeunes atteignent un jour cet âge canonique, que les plus vieux prennent chaque nouvelle année comme une victoire.