70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 18 janvier 2023

Paul Vecchiali nous manquera


Je ne me souviens plus du nom du cinéma du 15e arrondissement qui dans les années 70 projetait un festival des films de Paul Vecchiali. Je les ai tous vus. Étonné d'être parfois seul dans la salle. J'osais à peine en parler. Et puis j'ai continué en en ratant quelques uns. Cinéaste indépendant autour duquel tournait toute une famille de comédiens, de techniciens, d'artistes et de réalisateurs, hommes et femmes, il passa 20 ans sans percevoir l'avance sur recettes du CNC. Ses films, plus d'une cinquantaine, sont ceux d'un homme indépendant, un pied dans la cinéphilie, l'autre dans l'invention cinématographique. Ayant toujours rué dans les brancards de notre société hypocrite, il est mort à 92 ans, en homme libre.

J'ai été un peu maladroit


J'ai été un peu maladroit. Un réalisateur, ami de longue date, [était] venu me proposer de composer la musique de son prochain film. Au lieu de le rassurer en frimant, je me suis ouvert à lui de mes incompétences et de mes doutes. Quel artiste n'en a pas ? C'est même là-dessus que nous édifions notre œuvre. Évoquant d'éventuelles collaborations musicales comme je les affectionne, je fragilisai encore un peu plus ses propres incertitudes. Mettant ses craintes sur le compte de l'intuition, il m'envoya un mail le soir-même où il faisait machine arrière sans avoir entendu la moindre note de musique. C'est idiot de ma part de ne pas avoir insisté, car si les mots sont trompeurs la musique ne m'a jamais trahi. J'ai toujours su répondre avec des sons, que ce soit en les bruitant avec ma bouche, en sortant quelque vieux document d'archive ou en me collant devant un clavier ou un autre instrument. Plutôt que donner à écouter une composition réalisée pour un autre propos et qui forcément ne peut convenir à l'œuvre à venir, je préfère livrer quelque retour à-brule-pourpoint et corrigeant mon improvisation au fur et à mesure que je perçois les réactions de mon interlocuteur. Je façonne mon ébauche comme une pâte à modeler qui me servira plus tard de modèle, en parfait accord avec les besoins de l'œuvre à sonoriser. J'ai été un peu maladroit. Rien de grave, cela n'affecte pas notre amitié, mais je me pose des questions sur ma sincérité, mise en avant dès le premier contact, avec des personnes avec qui je n'ai encore jamais travaillé.

Ma maladresse me rappelle un de mes textes mis en musique par Aki Onda pour son magnifique album Un petit tour et dont j'avais assuré la direction artistique en 1999. Sur Maladroit on entend Bernard Vitet au bugle, mon synthétiseur PPG et les documents enregistrés par Aki :

J'en reproduis également les paroles ci-dessous pour mes lecteurs sans écouteurs. Le sujet n'a évidemment rien à voir avec l'anecdote récente, mais elles reflètent bien nos timidités ou les quiproquos dont nous pouvons être victimes. Nos propres victimes, s'entend !

J’ai été un peu maladroit
Et je l’ai été trois fois
En tremblant dès que je t’ai vue
En approchant ma main de ta joue
En ne comprenant pas le mouvement de tes lèvres
J’ai été un peu maladroit
En n’osant pas te regarder dans les yeux
En faisant comme si de rien n’était
En te laissant partir sans avoir dit les mots
J’ai été un peu maladroit
Te frôlant j’ai cru que tu m’avais touché
En te touchant je me suis affolé
En t’embrassant j’ai évité la bouche que tu me tendais
J’ai été un peu maladroit
Je n’ai pas vu tes yeux
N’ai pas senti ta main
Ni la pression de tes baisers
J’ai été un peu maladroit
Car dans tes yeux j’ai rêvé de me perdre
De ton visage éprouver la tendresse
Et j’ai simplement cru que tout était compliqué
J’ai été un peu maladroit
J’ai dû l’être plus de trois fois

Article du 31 mai 2010