Il y a cinq ans j'avais chroniqué Tuning, le solo de basse d'Olivier Lété. Si je l'ai entendu avec d'autres depuis, il revient aujourd'hui en trio avec le trompettiste Aymeric Avice et le batteur-percussionniste Toma Gouband. Le projet s'intitule Ostrakinda en référence à un jeu d'enfants de la Grèce antique, ancêtre de pile ou face, les côtés noir et blanc du coquillage ou du tesson de jarre représentant le jour et la nuit. Pas de hasard : l'indétermination guide les compositions de Lété. On confond souvent l'indétermination revendiquée par John Cage avec l'aléatoire qui semble exclure le choix, ou le non-choix, ou encore la résultante des choix, ça joue comme la loterie de l'hérédité, allez savoir comment la musique se forme sous les crânes pour terminer au bout des doigts ou des lèvres. Les deux acolytes du bassiste travaillent le timbre de leurs instruments comme lui, en valorisant ce qu'ils ont de spécifique. Le souffle et les pistons, les heurts et frottements. La basse est ronde, grave, profonde. La trompette et le bugle métalliques, aériens, lyriques. La batterie ou les percussions de peau, de feuilles, de pierre, et de métal aussi, comme les deux autres. Cet âge du bonze ne manque pas d'air. Ensemble ils construisent un rituel rupestre, paysage sonore où s'inscrit une histoire du jazz un peu tordue, comme sur une route de montagne où les sorties de virages sont vivement recherchées. Et la nature frémit en écoutant passer l'attelage.


→ Olivier Lété, Ostrakinda, CD Jazzdor Series, dist. L'autre distribution, 15€ (10€ en numérique), sortie le 3 mars 2023