Le cairn au fond du jardin avait besoin d'être nettoyé des feuilles mortes du charme qui commençaient à l'enfouir. Les pierres de Nathalie auxquelles les miennes se sont jointes étaient trop lourdes pour voyager encore. Elles retrouvaient ainsi le rythme des saisons. Plutôt que les mandalas qu'elles avaient dessinés j'avais préféré les entasser. J'ai toujours préféré les volumes aux surfaces, comme le mystère aux évidences. Lorsque l'une d'elles dégringole, bousculée par les intempéries, les oiseaux ou les chats, je la replace sur le dessus. À l'image du passé, certaines réapparaissent de l'amas. L'histoire de chacune est tellement plus longue que la nôtre. Mon côté animiste s'exprime dans cette observation méditative qui me propulse très loin dans le temps. De quoi les imaginer en quatre dimensions. En m'accroupissant je me suis souvenu des jardiniers japonais que j'avais observés à Kyoto entretenir la pelouse avec une pince à épi(l)er et de minuscules ciseaux de couture. C'était de l'ordre de l'instant. L'herbe avait aussitôt recommencé à pousser. Ici l'ombre, le jardin fait de la résistance. Il y a un temps pour tout. Ce n'est pas toujours facile de l'accepter. J'apprends.