Toutes nos discothèques conservent la trace de la pochette du vinyle original du premier disque du groupe Axolotl. Constituée d'un papier de verre doré, elle rayait tous les albums qu'elle côtoyait. Vraiment Abrasive ! C'eut été compliqué de la reproduire telle quelle aujourd'hui, mais la musique est là dans cette très belle réédition, et le livret 30x30 cm qui l'accompagne est doté de photos et d'un texte superbe d'Étienne Brunet, notes de pochette comme on les appelait, qui ne mâche pas ses mots, ou au plutôt les mâche et remâche pour nous faire vivre l'expérience de la formation d'un groupe et de sa dissolution. Saxophoniste alto et clarinettiste basse, il y rend hommage à ses deux compagnons, le guitariste Marc Dufourd et Jacques Oger aux ténor et baryton, ainsi qu'à l'ingénieur de son Daniel Deshays.
La musique d'Axolotl est emblématique du free jazz français qui se jouait en 1981. Brunet cite le duo de Claude Bernard avec Raymond Boni et celui d'Evan Parker avec Derek Bailey. Quarante ans plus tard des jeunes gens perpétuent ce déséquilibre permanent où les improvisateurs semblent marcher sur des œufs. En 1998, le saxophoniste accouchera du CD B/Free/Bifteck qui m'apparut alors comme l'œuvre analytique la plus intelligente du genre en assemblant des duos pour recomposer un orchestre. De son côté, Jacques Oger fondera les disques Potlach produisant des artistes de cette mouvance tels Jean-Luc Guionnet, Keith Rowe, Michel Doneda, Daunik Lazro, Bertrand Denzler, Xavier Charles, à commencer par Bailey avec Joëlle Léandre. Brunet se fera l'un des spécialistes d' "albums concepts" comme Post-Communism Atmosphere, La légende du Franc Rock and Roll, Les Épitres selon Synthétique ou un hommage à Steve Lacy, qu'il accompagnera souvent d'expérimentations vidéographiques ou d'étonnants romans cousins de la Beat Generation.
Le disque d'Axolotl me fait penser à une partie de ping-pong où un globe mou ferait office de table, les raquettes laisseraient passer la lumière et les balles ressembleraient à des roses des sables, ce qui n'empêcherait pas le trio de les rattraper toutes !

→ Axolotl, Abrasive, LP Souffle Continu Records, 25€ (7,90€ en numérique sur Bandcamp)