mercredi 12 juin 2024
Brassens orchestré par Vannier
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 12 juin 2024 à 00:19 :: Musique
En 1993, tandis qu'il enregistrait avec nous l'album de chansons pour enfants Crasse-Tignasse, Michel Musseau m'avait parlé de son admiration pour le disque de Jean-Claude Vannier orchestrant les chansons de Georges Brassens. Ses mélodies n'étant pas ce qui me semblait le plus remarquable chez le poète, j'avais quelques doutes, mais Musseau avait tant insisté que j'avais fini par le croire, d'autant que j'avais toujours été un fan du travail de Vannier, pas seulement pour Gainsbourg et leur Melody Nelson, mais aussi pour Brigitte Fontaine, Claude Nougaro et bien d'autres. L'année suivante, avec Bernard Vitet nous étions d'ailleurs allés lui faire écouter les maquettes de Carton pour avoir son avis sur nos chansons peu ordinaires. Vannier avait, paraît-il, beaucoup apprécié, mais il nous avait plutôt démoralisé sur le potentiel commercial de notre démarche ! Nous ne nous étions pas démontés et avions continué notre aventure dont la suite ne lui donna pas vraiment tort, bien que nous n'eûmes jamais à regretter ce dont notre imagination avait accouché. [Mis à part les créations des sept dernières années où j'ai été particulièrement productif], les nombreuses chansons écrites avec Bernard Vitet sont avec les instantanés du Drame et nos pièces orchestrales ce dont je suis le plus fier.
En me promenant dans les allées virtuelles [j'avais découvert une réédition] de L'orchestre de Jean-Claude Vannier interprète les musiques de Georges Brassens. Que soit loué le camarade Michel Musseau dont j'ai toujours adoré l'humour critique et la précision musicale ! L'album commandé en 1974 par le patron de Philips pour commémorer les vingt ans d'activité de Georges Brassens, est à la hauteur de nos espérances. Certainement l'une des œuvres les plus réussies de Jean-Claude Vannier, elle respire la liberté inventive de l'autodidacte et l'intelligence de l'arrangeur tout en mettant en valeur les compositions de Brassens que j'ai longtemps cru monotones. Utilisant quantité d'instruments rares, flexatones, piano-jouets, clavier de cloches, mais aussi fanfare d'inspiration catalane, clavecin, limonaire, percussion ou cordes à la Carl Stalling, il fait preuve d'une créativité exceptionnelle et d'un humour décapant reléguant la variété instrumentale aux pires ringardises et les fantaisies de Pascal Comelade à de timides tentatives. On regrette seulement qu'aucun musicien de cet orchestre impossible ne soit cité sur la pochette, d'autant que s'y succèdent d'étonnants solistes. Je ressens le même enthousiasme qu'à la découverte des versions orchestrales de Let My Children Hear Music de Charlie Mingus arrangées par Sy Johnson, Alan Raph et le maître en personne. On se délectera donc de ces versions épatantes de Chanson pour l'Auvergnat, Les Sabots d'Hélène, Les Amoureux des bancs publics, Stances à un cambrioleur, Le 22 septembre, La Mauvaise réputation, Les Copains d'abord, Je me suis fait tout petit, Supplique pour être enterré à la plage de Sète, Jeanne, Les Amours d'antan, Bonhomme.
Article du 30 juillet 2012 (liens hypertexte réactualisés)