Arequipa, deuxième étape
Par Jean-Jacques Birgé, jeudi 22 août 2024 à 00:50 :: Voyage :: #5677 :: rss
C'est l'hiver au Pérou. Il faisait bon à Lima, mais nous avons trouvé le ciel bleu à Arequipa, bien que les nuits y soient frisquettes. C'est un des points qui m'inquiétaient un peu avant de partir. Le soleil nous ayant cruellement manqué à Paris cette année, quelle drôle d'idée d'aller passer ces semaines de juillet-août dans l'hémisphère sud où les saisons comme les gens marchent la tête en bas. L'attraction de l'exotisme comme celle dite terrestre eurent raison de nos inquiétudes. Certes le siphon des toilettes tourne dans le sens contraire de chez nous, mais les différences de hauteur sont ici plus importantes que la latitude. Lima est au bord de l'Océan Pacifique, mais Arequipa est déjà à 2300 mètres de haut et nous allons dépasser les 4000 mètres avec l'appréhension du mal des montagnes qu'ici chacun/e redoute. Nous nous sommes entraînés à mâcher des feuilles de coca pour atténuer les effets hypothétiques désagréables que certain/e/s subissent, mais c'est franchement dégueulasse, enfin pas tant que ça, juste un peu amer ; le problème est que chiquer en laisse plein les dents. De l'autre côté de la frontière on appelle même cela le sourire bolivien ! Donc plutôt que mastiquer ses feuilles sèches qui finissent en boule sous les joues, nous avons acheté en pharmacie un mélange de coca, guarana et gingembre. On verra plus tard que cela n'eut que peu d'effet, ou, sinon, dans quel état aurions-nous subi le soroche sans n'avoir rien essayé ? Lors d'un trek au Népal il y a trente ans, le sherpa nous avait expliqué que ce mal des montagnes peut arriver à n'importe qui, même après des années, et même à lui ! J'espérais passer au travers, par une foi qui frise le mysticisme, mais cette composante de mon caractère obsessionnel n'a pas toujours été à la hauteur de mes espérances.
Dans le jardin de l'Hostal Casona Solar, je réussis à filmer un joli colibri, excité comme une puce, qui butine la corole des fleurs en faisant du surplace devant les chambres en sillar de cette ancienne maison coloniale du XVIIIe siècle. Au son j'avais d'abord cru que c'était un gros insecte.
La visite la plus extraordinaire fut celle du Monestario de Santa Catalina, une petite ville en soi avec ses rues rouges dans lesquelles donnaient les cellules des recluses. Ses 20000 mètres carrés occupent tout un pâté de maisons entouré de hauts murs. Dans ce monastère fondé en 1580 par la riche veuve doña María de Guzmán, les jeunes novices, placées par leurs riches familles, toutes à leurs prières, ne devaient prononcer aucun mot. Quatre ans plus tard, à raison de cent pièces d'or par an, elles pouvaient prononcer leurs vœux ou sinon déshonorer leur famille. Notez qu'elles s'y enfermaient tout de même avec une ou plusieurs domestiques ! Les meilleures cellules possédaient une cuisine, un four à pain et je suppose que le petit coin reculé servait de toilettes. On n'imagine jamais à quel point les gens et leurs espaces de vie devaient puer à cette époque-là... Promenade superbe, à la découverte des peintures réalisées par les nonnes, des cloîtres, du réfectoire commun, du clocher, de la chambre mortuaire (salle dite De Profondis), de la chapelle et du petit labyrinthe qui les dessert.
L'autre attraction touristique est le Museo Santuarios Andinos où est exposée la "momie" de Juanita, une jeune inca découverte gelée au sommet du Mont Nevado Ampato en 1995. La glace conserva son corps quasiment intact depuis le XVe siècle. Lors de notre visite, Juanita étant stockée au congélateur à cause de la chaleur saisonnière, est exposée une réplique fidèle à l'originale. Nombreux objets trouvés dans sa tombe permettent à notre guide de détailler la longue préparation et les conditions des sacrifices humains dont étaient souvent victimes de jeunes enfants, préparés au supplice depuis leur naissance, en offrande à leurs dieux.
Ma petite sœur m'avait prévenu, ce que je savais déjà: tout ne se passe jamais comme prévu lors d'un voyage comme le nôtre. Nous en avions déjà fait les frais avec un retard de cinq heures de la compagnie low-cost chilienne Sky, mais le guano d'un urubu nous contraria vivement. Comment ce petit vautour a-t-il réussi à nous repeindre en vert tous les deux en même temps, c'est un mystère. Je n'avais jamais été recouvert de ma vie d'autant de merde. Heureusement c'est parti à l'eau et, après un nettoyage ardu mais réussi, nous en fûmes pour une bonne rigolade. À propos de fumée, en cinq semaines je n'ai croisé absolument personne avec une cigarette au bec, excepté ma compagne dont personne ne semblait remarquer cet appendice incongru.
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