Il y a trois mois le compositeur Denis Levaillant, par l'entremise de la Fédération de la Composition Musiques de Création (FCMC), réclamait qu'une production portée par un créateur à la fois producteur et éditeur de ses propres œuvres soit exemptée des droits de reproduction mécanique. Lorsqu'un producteur sort un disque il doit payer ce qui peut être assimilé à une taxe, œuvre par œuvre publiée. Cette somme est reversée aux ayant-droits l'année suivante, minorée d'un pourcentage conservé par la SDRM (Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs, société civile dont les associés sont la SACEM, la SACD, la SCAM, la SGDL et l'AEEDRM), sous réserve que l'œuvre ait fait l'objet d'un dépôt à l'une de ces sociétés. Matériellement, la SDRM est hébergée par la SACEM dans des locaux communs et utilise son personnel et ses moyens techniques. Denis Levaillant avance le pourcentage de 14%, peut-être revu à la baisse depuis mon souvenir qui se montait à 18%, pour des frais de fonctionnement consistant à délivrer l'autorisation, depuis de nombreuses années automatisée informatiquement, mais pas réévaluée à la baisse pour autant ! En France les presseurs de disques sont sommés de ne pas honorer de commandes sans que les droits en question aient été payés. Denis Levaillant souligne que le marché du disque ayant gravement plongé, ce sont souvent aujourd'hui les créateurs qui auto-produisent leurs œuvres et que cette somme équivaut pour eux à une taxe illégitime. Ce système avait néanmoins été intelligemment instauré pour protéger les auteurs contre les producteurs indélicats publiant des disques sans payer les auteurs. Si je me réfère à mon prochain disque, ces droits SDRM équivalent à 36% du prix du pressage, ce qui est énorme, disproportionné et parfaitement injuste en effet. Le délai pour que les ayant-droits, soit dans ce cas les payeurs eux-mêmes, perçoivent leur dû (moins le pourcentage cité plus haut) n'arrange pas les choses.
Or il y a un autre aspect, à mon avis beaucoup plus grave, que Denis Levaillant ne précise pas et pour lequel je me suis vainement battu pendant des décennies. Les majors paient la SDRM en fonction des disques vendus, donc après, tandis que les petits producteurs indépendants paient en avance sur l'intégralité des disques pressés. Cette décision statutaire vient de l'hypothèse que les petits sont moins honnêtes ou du moins moins fiables que les gros. Ce qui, par expérience, est un comble. Mais cela revient surtout à ce que nos invendus soient taxés ! Lorsque je m'en suis offusqué, la SACEM m'a répondu que je pouvais récupérer la SDRM sur les invendus à condition de les détruire devant huissier. Si j'en juge par mes stocks, en un demi-siècle d'activité, mon label a payé une somme colossale qu'un gros producteur a légalement évitée.
S'il est toujours nécessaire de protéger les ayant-droits contre les producteurs, les statuts actuels méritent sérieusement d'être reconsidérés devant l'iniquité qu'ils représentent aujourd'hui plus que jamais.