Lorsque j'ai commencé ce blog il y a vingt ans j'avais en tête de créer une œuvre à partir de ce nouveau medium. Étienne Mineur m'avait conseillé de m'y coller simplement, pour voir comment cela fonctionnait. Je me suis laissé prendre au jeu, pensant que je pourrais y raconter les histoires que je rabâche, m'épargnant ces répétitions un peu gâteuses. Longtemps je répondais d'aller y lire ma réponse pour ne pas ressasser. Avec le temps je me suis aperçu que la mémoire se fige et que nous finissons par toujours raconter les mêmes histoires, et surtout de la même façon. Il en est une que je me suis vu réitérer récemment.
Au cours de ma première année d'étudiant à l'Idhec (l'ancêtre de la Femis) un de nos exercices consistait à réaliser un reportage sur un sujet libre. Avec mon esprit facétieux et rebelle j'avais filmé un cocktail organisé par l'École et l'avais intitulé Idhec 72 : nouveau scandale financier. À sa projection devant des professionnels de la profession, le chef-opérateur Dominique Chapuis, m'ayant complimenté sur la lumière, m'avait demandé comment j'avais fait. À la fois humble et provocateur, j'avais répondu que je n'en avais pas la moindre idée, le laboratoire s'étant planté en développant la pellicule PlusX dans un bain de 4X. Chapuis, amusé, insista sur ce qu'indiquait la cellule (ou posemètre). Je répondis cette fois conscient de mon arrogance que j'étais de constitution chétive et que porter la caméra à l'épaule était déjà une épreuve, alors une cellule...! Le célèbre chef-op en sortit totalement dégoûté.


À la fin de l'année, le directeur des études, Louis Daquin, me fit appeler dans son bureau. Il m'expliqua qu'il n'y avait pas d'examen de fin d'année, mais que si je voulais passer en deuxième je devais savoir charger une caméra. À l'époque ce devait être une Arriflex ou une Éclair 16mm. Je passai l'après-midi à manipuler le magasin de la caméra dans un sac noir où l'on enfonçait les bras, j'ai oublié son nom, et le soir retournai montrer à Louis qu'il n'y avait plus de problème. J'ajoutai tout de même que c'était la première et la dernière fois que je chargeais une caméra et optai pour la section montage plutôt que celle de la lumière. De plus, il me semblait évident que le montage était l'école de la réalisation, section commune aux vingt-six étudiants de ma promotion. L'année suivante nous n'étions que huit à l'avoir choisie.