Le titre pourrait laisser penser que mon article du jour évoque notre monde immoral où un génocide se perpétue sous nos yeux sans que nous nous y opposions, mais la jungle est un milieu en réalité beaucoup plus tendre qu'on ne l'imagine. Quand les coupeurs de bois exotique ou les foreurs de puits de pétrole ne la dévastent pas, elle incarne la nature dont nous, mammifères soi-disant évolués, avons encore le pouvoir de rêver. Après les océans, elle permet à notre planète de respirer, et ses habitants vivent en meilleure intelligence que les "animaux dénaturés" que nous sommes devenus.
Toute proportion gardée (!), lorsqu'il y a vingt-cinq ans j'ai créé le petit jardin derrière la maison je l'avais conçu japonais, mais les plantes ont poussé et j'ai eu beau combattre la sélection naturelle, beaucoup de plantes ont disparu et d'autres ont pris toute la place. Les feuillages persistants des bambous et du palmier donnent l'impression d'une jungle. Lorsque je repense à celle de l'Amazonie, c'est paradoxal car la selva ressemblait plutôt à un sous-bois, certes menaçant avec ses écorces empoisonnées, ses piquants invisibles et les bestioles camouflées en feuilles mortes. Tous les films que nous avons récemment regardés et qui se passent dans la rainforest en attestent. La machette sert plus souvent à marquer son chemin qu'à s'y frayer. Pas de coupe-coupe chez nous, mais des sécateurs de toutes tailles ! En particulier dans l'autre jardin, qui donne sur la rue...


Le voilà le sous-bois ! À chaque grosse averse les branches ploient sous l'eau et forcent les passants à courber l'échine. Néanmoins le lierre, la glycine, et ce qui reste de l'églantier et du lavatère se liguent pour constituer un énorme parapluie au-dessus du trottoir où l'on peut s'abriter pour éviter la douche. Toute cette verdure profite au quartier, comme le bouquet vivant d'un géant amoureux. À chaque pluie importante je taille et coupe les branches à la limite de la chaussée pour ne pas gêner les rares véhicules qui empruntent la rue. Les automobiles y sont devenues rares depuis qu'une avenue en aval a été fermée pour être végétalisée. L'itinéraire a ainsi perdu sa particule "bis", nous laissant espérer que les chats feront tout de même toujours attention en traversant. Avec les oiseaux, les muridés, les insectes, les araignées et les humains, ce sont les seuls animaux qui peuplent notre jungle.