lundi 4 novembre 2024
After 2152
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 4 novembre 2024 à 00:03 :: Musique
Je suis complètement idiot. Je n'ai pas emporté mon magnétophone pour enregistrer la création de jeudi dernier en duo avec Amandine Casadamont au Musée d'Ethnographie de Genève (MEG). Nous fêtions les 10 ans du nouveau bâtiment du musée et les 80 ans des Archives Internationales de Musique Populaire (AIMP). Il ne reste que les photographies prises par Élodie Bousquet, Chistiane Louis et Madeleine. Nous aurions pourtant été enchantés, ou du moins intéressés, d'écouter After 2152, version totalement originale du scénario de mes Perspectives du XXIIe siècle, composition instantanée où Amandine jouait, entre autres, les vinyles de la Collection Brăiloiu et où je martyrisais le clavier avec des sons inouïs.
En première partie était diffusé le film que nous avons réalisé avec Sonia Cruchon, Nicolas Clauss, Valéry Faidherbe, Jacques Perconte, John Sanborn et Eric Vernhes. On me voit là face à la dernière image du film, près à bondir sur scène !
Pour la seconde, Amandine est aux commandes de trois platines. De mon côté je noie le poisson électronique avec des instruments acoustiques comme la trompette à anche, deux flûtes (la roumaine, très aiguë, est une de mes plus anciennes tandis que j'ai rapporté la double de Cuzco cet été), une petite guimbarde très véloce et un carillon en forme de pomme.
En général lorsqu'un éclairagiste me demande si je veux des couleurs je réponds "ambre". Si ce n'est pas clair je suis assez pervers pour ajouter "Rembrandt" ! Ensuite on s'arrange en fonction des circonstances...
Quand Madeleine Leclair, qui en 2019 m'avait commandé le disque Perspectives du XXIIe siècle, joue des "tables tournantes" (expression québécoise, comme elle-même) en duo avec Amandine, elles ont l'habitude de disposer des fleurs en tissu tout autour de leurs platines. Trouvant cela charmant j'en redemande...
Si la trompette à anche me permet d'avoir un son de clarinette basse je peux jouer de la wah-wah en utilisant une sourdine adaptée. C'est quelque chose qu'il est impossible de faire habituellement avec un instrument à anche. Le groowah au premier plan est resté en plan ; sans savoir ce que je jouerai j'en prends toujours un peu plus que je n'en utilise, c'est la même chose pour les programmes que je prépare sur l'ordinateur, une réserve qui varie d'un concert à l'autre, en fonction de mes dernières trouvailles ou de mes orchestrations préférées...
Un programme est une somme de timbres et d'instruments virtuels qui se combinent de différentes manières et que je peux utiliser de façons totalement différentes selon les contextes. J'arrive rarement à en fabriquer plus d'un par jour, mais ensuite je dois pouvoir m'en servir pendant des années. Chaque programme équivaut à un instrument, il y a une manière particulière d'en jouer, il faut l'apprivoiser. Cela explique pourquoi les pianistes ont généralement tant de mal à jouer des claviers électroniques. En improvisation le principal problème est de choisir parmi des centaines et de trouver le plus adapté aux circonstances. Le second problème est son temps de chargement dans la machine, la latence entre deux programmes. Je la camoufle éventuellement en jouant d'un autre instrument pendant ces quelques secondes. C'est facile avec un instrument traditionnel, un peu plus acrobatique pour les applications superposées sur l'écran de l'ordinateur. Mais quel plaisir !