Aller à l'exposition Musica ex Machina à l'École Polytechnique fédérale de Lausanne, ça se mérite ! L’EPFL est une université technique, spécialisée dans le domaine de la science et de la technologie. Sans signalétique, il faut trouver son chemin sur la dalle de cette gigantesque université qui regroupe plus de 15 000 étudiants de 120 pays. Lorsqu'enfin, dans le fond du campus, nous apercevons les Alpes, nous sommes arrivés ! Le sujet est tentant : « De la théorie médiévale aux IA contemporaines, Musica ex Machina: Machines Thinking Musically explore l’histoire de la pensée computationnelle et algorithmique en musique, ou comment les avancées technologiques et la créativité humaine redessinent en permanence les contours de l’expression musicale. Mêlant objets historiques, œuvres sonores et installations immersives, elle présente le travail de visionnaires d’hier et d'aujourd'hui tout en ouvrant des perspectives sur le futur de la musique. » L'exposition commence avec les neumes du chant grégorien et se clôt sur les travaux avec l'intelligence artificielle de l'Irlandaise Jennifer Walshe sur laquelle j'ai écrit un article le 26 septembre dernier ! Entre temps sont présentées toutes sortes de notations et les compositions musicales qu'elles suggèrent.

Comme je le fais souvent dans les expos j'arpente rapidement les allées et je remonte le temps, depuis la sortie jusqu'à l'entrée. C'est une manière d'appréhender leur taille, mais c'est aussi ainsi que j'ai appris l'histoire de la musique. Jean-André Fieschi avait eu l'intelligence de me faire écouter Pelléas et Mélisande et Wozzeck. J'eus envie de comprendre comment Debussy et Berg en étaient arrivés là. De même j'ai longtemps cherché les origines de la musique d'Edgard Varèse, le connectant à Berlioz et Rameau. Je repars ensuite du début, en sens inverse, ou plus exactement dans le sens de l'Histoire ! Fascination devant l'automate La musicienne ou la règle à calcul d'Arnold Schönberg qui lui servait à écrire ses séries dodécaphoniques. Plus loin un piano midi Yamaha joue du Nancarrow ou du Ligeti ; les touches bougent synchroniquement même si le son ne provient pas de ce piano-là pour des raisons d'isolation acoustique. Des casques sans fil fonctionnent donc dans toutes les salles.


Dans l'une d'elles est simulée la spatialisation du Prometeo de Luigi Nono ou La légende d'Eer de Iannis Xenakis. Dans une autre des jeunes gens qui ont téléchargé une application s'amusent à jouer en déplaçant des algorithmes sur des écrans toute hauteur. Dans une troisième Pierre-Laurent Aimard est filmé et projeté sur trois écrans géants pendant qu'il enregistre ce qui est diffusé plus haut par le piano mécanique. Parmi tant d'autres on croise Guido d’Arezzo, Leonhard Euler, John Cage, Clarence Barlow, Karlheinz Stockhausen, comme les gants de Michel Waisvisz, un vieux Revox, un synthétiseur Buchla ou le gamelan numérique de la Cité de la Musique qu'avait réalisé Olivier Koechlin. Il est passionnant de voir l'évolution des systèmes de notation et quelle influence ils eurent sur les compositeurs. L'ensemble est à la fois didactique et ludique. Son site offre une playlist et j'en ai rapporté un joli petit catalogue, gratuit comme l'entrée de l'exposition.

→ Exposition Musica ex Machina: Machines Thinking Musically, EPFL, Lausanne, jusqu'au 29 juin 2025