En attendant le coffret de 5 CD auquel j'ai participé, avec beaucoup d'autres contributeurs, et qui paraîtra au début de l'année prochaine, Steven Stapleton m'envoie deux "nouvelles" productions de son groupe, Nurse With Wound. Le premier, Backside, est composé de matériel sonore ayant fait l'objet en 1980 d'un vinyle de Richard Rupenus (Bladderflask), un vieux pote de Stapleton avec qui il collabora souvent, et qu'il tripatouille suffisamment pour en faire un objet d'aujourd'hui. Aujourd'hui, comme si c'était hier, ou hier comme si c'était maintenant. La musique expérimentale a l'immense avantage de prendre difficilement des rides, contrairement aux choses modernes, étymologiquement à la mode. Millésimée, elle renvoie généralement une image du monde autrement plus profonde (peut-être hélas moins juste) que les musiques commerciales qui ressemblent de plus en plus à des produits Kleenex. Backside me fait penser à la pièce On tourne d'Un Drame Musical Instantané, ici métallurgie lourde où s'ajoutent des voix malaxées. Je pense qu'on appelait cela alors "musique industrielle". Suit Chernobyl Picnic, excitant le compteur Geiger tout en s'enfonçant dans la terre à jamais polluée au milieu de bestioles en mutation avant de rejoindre les anges déchus qu'on retrouve dans la dernière, Backside (Cloud Chamber), surfant sur des cymbales frottées.
Le second album, Terms and Conditions Apply, paru en 2020, est un double auquel Andrew Liles participe, comme au précédent, mais cette fois le troisième larron est Colin Potter. De nombreux invités se joignent au trio, mais les crédits détaillés ne sont trouvables que sur la page Bandcamp ! Poursuite de bagnoles et accidents sur une rythmique entêtante sur Crusin' For A Brusin' (Bacteria Bitch Mix ou Black Bomber Mix), deux versions régressives de la chanson Bei Mir Bist Du Schön, dans le même mood mais plus jazz Thrill Of Romance? (Burgo Partridge Mix), donc des chansons barrées comme The Bottom Feeder, toujours trash, mais funky comme Sarah's Beloved Aunt, pop minimale avec Bum Brush Effect, dix titres sur le Disc A, soit The Bacteria Magnet et Rushkoff Coercion, rééditions de vinyles ici largement augmentées. Idem pour le Disc B, Erroneous, A Selection of Errors, les trois premiers morceaux, Tickety Boo, Driftin' By et Rock Baby Rock, étant composés avec un ancien membre de Kraftwerk et Neu!, Fritz Müller, pseudo de Eberhard Kranemann (guitare, violoncelle, voix, electronics), dont deux avec le groupe italien Larsen, tandis que Freida Abtan (electronics) cosigne Electric Smudge et Cackles. Après du krautrock, de l'ambient et de l'électronique cradingue, on termine avec le vaporeux Opium Cabaret. Comme toujours, la présentation graphique est soignée et le livret de 8 pages offre des illustrations que FaceBook ne laisserait absolument pas passer ! Par sa diversité et son audace, l'imposante discographie de Nurse With Wound couvre pratiquement l'intégralité de la musique expérimentale des cinquante dernières années.

→ Nurse With Wound, Backside, CD United Dairies
→ Nurse With Wound, Terms and Conditions Apply, CD United Dairies