Say Nothing
Par Jean-Jacques Birgé, mardi 3 décembre 2024 à 00:24 :: Cinéma & DVD :: #5760 :: rss
Parmi les séries TV récentes Say Nothing (Ne dis rien) bénéficie d'une excellente réalisation. Il y en a tant que je n'ai évidemment pas le temps de tout essayer. Je me fie aux critiques et ne partage pas toujours leurs coups de cœur. Ainsi j'ai trouvé La Mesías particulièrement boursoufflée et cul béni sous des apparences insolentes, la comédie A Man on the Inside (Espion à l'ancienne) ridicule, Disclaimer complètement bidon et ennuyeuse, et comme Silo, tirant à l'épisode (comme on dit d'un bouquin qu'il tire à la ligne quand on fait inutilement durer le "plaisir"). La saison 2 de The Diplomat est à l'égale de la première, pas mal. Et j'ai tenu les neuf épisodes de Say Nothing, même si ce n'est pas un chef d'œuvre comme il en existe dans l'histoire des séries depuis Twin Peaks, Six Feet Under, The Wire, etc.
Say Nothing a le grand mérite de ne pas être manichéenne, renvoyant la violence de l'IRA à ses contradictions pendant les trente années (de 1969 à 1998) qu'ont duré les affrontements de Belfast entre catholiques indépendantistes et protestants pro-occupants britanniques. Le portrait des sœurs Price est évidemment touchant, la question de la fidélité et des trahisons cruciale.
En 1993, l'agence de presse audiovisuelle Point du Jour m'avait proposé d'aller filmer le conflit en Irlande du Nord, mais après avoir étudié le dossier j'avais décliné l'offre, marquant mon retour à la composition musicale après une année bien chargée qui ne m'avait pas épargné. Après avoir tourné en Algérie (très chaud) et en Afrique du Sud (période pré-Mandela) pour le film Idir et Johnny Clegg a capella, j'avais échoué à Sarajevo pendant le Siège, ce qui s'était soldé pour notre équipe de réalisateurs par un British Acacademy Award (BAFTA) et le Prix du Jury à Locarno, et plus particulièrement pour moi la réalisation du court métrage Le Sniper qui fut montré dans 1000 salles en France et sur quasiment toutes les chaînes de télévision possibles et impossibles. Après ces épreuves je rêvais plutôt qu'on m'envoie là où la mer est bleue turquoise et où poussent calmement des palmiers. Mon regard critique sur la guerre des boutons en Irlande où s'affrontaient puérilement catholiques et protestants me semblait dangereux pour les deux côtés. C'était évidemment autrement plus complexe que Sarajevo où les très méchants étaient clairement identifiés. En Afrique du Sud j'avais aussi été confronté à mes a priori, bouleversé par la violence culturelle de ceux que je pensais les justes et par les différences de pensée colonisatrice entre les Anglais et les Boers.
La question de la violence révolutionnaire m'a toujours préoccupé, constatant que si elle avait souvent semblé indispensable, les dérives qui en découlaient chaque fois me faisaient froid dans le dos. Je n'ai jamais renié mes jeunes années Peace & Love qui avaient commencé à 11 ans par mon adhésion aux Citoyens du Monde, même si j'avais participé aux Évènements de mai 68 tout en étant incapable du moindre acte violent. Ces limites continuent de me hanter lorsque je constate les dégâts criminels du capitalisme, qu'il soit privé ou d'état, mettant en danger la planète elle-même. Comment stopper les puissants qui mettent l'humanité et les autres espèces sous coupe réglée sans leur couper la tête ? Comment libérer les peuples du colonialisme le plus vicieux en soutenant leur indépendance sans sombrer dans la violence ? Quelle impuissance guide les hommes avilissant les femmes depuis la nuit des temps ? J'avoue que l'humanité reste pour moi un mystère que j'ai souvent exprimé en disant que j'avais mal à l'Homme.
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