Devons-nous nous offusquer de la collision entre la SACEM et Spotify ? La société d'auteurs, compositeurs et éditeurs de musique invite ses adhérents à suivre un webinaire intitulé "Comment développer son parcours d'artiste sur Spotify ?". L'équipe Music de Spotify France vous expliquera les différentes étapes possibles de développement de vos projets sur la plateforme et des outils à votre disposition : de la découverte jusqu'à la conversion puis l'engagement de vos publics. Comment pitcher votre musique pour entrer en playlist, comment déployer son univers sur Spotify, comment toucher de nouveaux auditeurs ou réactiver des anciens fans et plus encore. Ce webinaire se terminera par une session questions / réponses en direct.
Si l'on fait abstraction de ce que représentent des plateformes comme Spotify ou Deezer pour les artistes et leur éventuel public cela pourrait sembler plutôt sympathique. D'un côté les dividendes touchés par les artistes dans ces conditions sont pitoyables, de l'autre le concept de playlist incarne un formatage en règle de la musique.
Selon les estimations, Spotify verse en moyenne entre 0,003 et 0,005 € par stream, mais ce n'est pas une règle stricte. Les revenus générés par les streams sont d'abord versés aux détenteurs des droits : maisons de disques, éditeurs, distributeurs et artistes (vous remarquerez qu'ils sont au bout de la chaîne). Un artiste indépendant touchera une plus grande part que s'il est sous contrat avec une maison de disques, car celle-ci prélève une part importante des revenus (voilà !). De toute manière, pour gagner 1 000 €, un artiste devrait accumuler environ 300 000 streams sur Spotify, en supposant un taux moyen de 0,004 € par stream, et qu'il n'ait pas à partager cette somme mirobolante entre tous les ayants droit. Faites le calcul en fonction des possibilités de vente pour des musiques comme le jazz, le rock, les musiques improvisée, contemporaine, traditionnelle, etc.). Si l'aspect pécuniaire est écarté, dans ces conditions, donc à moins de faire partie du mainstream, les artistes peuvent-ils espérer la moindre visibilité ? J'en doute, et pour cause...
En ce qui concerne le concept de playlist, l'écoute revient à subir un flux incessant basé sur un format chanson. On ne sait plus ce qu'on écoute. Un robot va jusqu'à choisir pour vous le style que vous aimez. Au diable la moindre incartade que pourrait offrir la curiosité ! Lorsqu'on sait qu'une écoute attentive excède difficilement vingt minutes (le temps d'une face des vinyles par exemple), le résultat sur l'auditeur n'est pas loin de la muzak, ce flot ininterrompu qui s'écoule dans les supermarchés, les ascenseurs et les stations service, produit essentiellement pour anesthésier l'auditeur, enfin libre de consommer, en l'entraînant vers le fond légèrement incliné du magasin. D'ailleurs, en mode freemium une publicité est jouée périodiquement par le lecteur en moyenne toutes les dix minutes ! En soirée il m'arrive de demander au DJ ce qu'on écoute, la réponse la plus courante est "je n'en sais rien, c'est dans ma playlist." ! J'ai construit ma culture en recopiant le dos des pochettes, pas seulement les titres et le nom des musiciens, mais les notes explicatives lorsqu'elles représentaient quelque intérêt. La musique actuelle devient ainsi une marchandise qui profite essentiellement au support, ici Spotify. En ce qui me concerne je refuse de placer mes disques sur ces plateformes qui, de plus, nient la notion d'album en mélangeant tout dans un chapeau à la taille de la planète. Les artistes ont peu à y gagner, si ce n'est à entrer dans le grand marché de la consommation où eux-mêmes sont transformés en produit. J'avoue préférer Bandcamp qui, jusqu'ici, respecte les artistes et les auditeurs, en payant correctement et en conservant la notion d'album.
La SACEM tombe une fois de plus dans le panneau en agitant des chimères, probablement pour faire jeune, et continue de perpétuer des inégalités en défendant les gros au détriment des petits. Cette société appartient pourtant à tous ses auteurs, même si les éditeurs et les majors ont la puissance de dicter les usages.