Il fallait bien que cela arrive un jour, j'ai accroché le triptyque sur toile Dans le vent confus du voyage dans l'escalier qui mène au premier étage alors que j'avais toujours évité de casser le blanc des murs. La plasticienne mc gayffier, "technicienne de surface" aux multiples talents, nous a fait ce somptueux cadeau pour nos anniversaires. Le texte est tiré du Livre d'heures de Rainer Maria Rilke tel que cité par Jean-Luc Godard dans ses indispensables Histoire(s) du cinéma. Du même réalisateur, huile cette fois plutôt qu'acrylique, Ces fleurs ont été cueillies dans Le livre d'images, son dernier chef d'œuvre (2019). Avec entre les rails, une autre huile, celle-ci reprenant le célèbre photogramme de Dziga Vertov dans L'homme à la caméra (1929), le triptyque est complet, recomposé, Ces fleurs entre les rails dans le vent confus du voyage. J'ai toujours adoré les photogrammes. Dans le passé nous n'avions qu'eux pour nous souvenir, la vidéo n'existant pas. Quant au son j'enregistrais dans les salles de cinéma avec un magnétophone à cassette. En les peignant mc gayffier rallonge le temps, arrêt sur image qui joue de l'éphémérité de la vie.

Les fleurs du jardin
Chaque soir ont du chagrin.
Oui, mais dès l'aurore
Tous leurs chagrins s'évaporent.
Quel est l'enchanteur
Qui guérit tant de douleurs,
Quel est ce magicien ?
C'est le soleil.

C'est la chanson que chacun, chacune, fredonne à tour de rôle dans Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir (1932). C'est encore plus clair avec le train qui fonce sur le caméraman. Les cadres en bois donnent également de l'épaisseur aux trois petites toiles. Tranches verte, noire ou pointillée comme les perforations d'un film en celluloïd. L'intertitre souligne la poésie de réel qui fricote avec l'imaginaire. Les temps confondus se mêlent parce qu'il n'y a ni passé, ni présent, ni futur pour un cinéphile. Juste des images. Les paroles de Renoir continuent, nous renvoyant à ce que nous avons de plus cher... Je pense ainsi au champ de marguerites repiquées dans Le plaisir de Max Ophüls (1952). Un anniversaire...

L'hiver dans les bois
Les oiseaux meurent de froid.
Leurs nuits dans les bois
Sont comme des tombes blanches.
Avril reparaît
Et soudain dans la forêt
Mille voix en même temps
Bénissent le printemps.
Mon printemps est mon sourire
Quand mon cœur souffre et soupire.
Ton sourire est mon printemps,
Mon printemps...