J'ai mauvaise conscience lorsque s'accumulent les DVD ou Blu-Ray sans que j'ai le temps de les chroniquer. J'y arrive heureusement de temps en temps, mais je m'interdis généralement d'évoquer un coffret sans en avoir vu l'intégralité, bonus inclus, valeur ajoutée précieuse lorsqu'on s'intéresse vraiment au cinéma. Or un éditeur comme Carlotta (référence au film Vertigo d'Hitchcock) réalise un travail fabuleux et colossal pour un cinéphile. L'année ne dépassant que rarement 365 jours et les projections occupant essentiellement mes soirs, lorsque je ne travaille pas, ne sors pas au spectacle ou pour voir des amis, je suis coincé. J'écris cet article un peu paresseux alors que je combats un torticolis aigu en espérant arriver à me concentrer ! Je regarde évidemment beaucoup d'autres choses, anciennes ou récentes, films ou séries... Je n'ai pas le même problème avec les disques que j'écoute en journée et qui me prennent tout de même beaucoup moins de temps.
J'ai rassemblé six coffrets de grand intérêt, il y en a d'autres, alors que je n'ai fait que les effleurer. J'ai pourtant vu tous les films de Jean Eustache ou de Pier Paolo Pasolini dans le passé, mais il me serait indispensable de les revoir pour en parler avec un point de vue personnel qui a probablement évolué avec le temps. À signaler que tous ces films ont été superbement remasterisés. Le coffret Eustache est accompagné d'un livre de 160 pages, et tous les longs métrages et trois courts sont enrichis de 2 heures 30 d'archives télévisées et radiophoniques exclusives... [Correction : j'avais oublié que j'avais déjà chroniqué ce coffret ! Aïe aïe aïe, ça commence mal]...
Celui de Pasolini offre neuf films de 1961 à 1969 avec six heures de suppléments dont l'incontournable Cinéastes de notre Temps "Pasolini l'enragé" réalisé par Jean-André Fieschi (version longue de 98 minutes) ; y figurent mes préférés, La Ricotta et Des oiseaux petits et grands (Uccellacci e uccellini), mais je regrette l'absence de ses courts métrages de l'époque (comme La Terre vue de la Lune et Che cosa sono le nuvole ?) que j'adore tout autant, probablement grâce à la présence de Toto et Ninetto Davoli.
Le récent coffret consacré à Otar Iosseliani est carrément une intégrale en 9 Blu-Ray, soit plus d'une vingtaine de courts et longs métrages, documentaires et fictions, avec un livret de 220 pages. Il y a une poésie unique chez Iosseliani, une poésie d'anthropologue, la comédie agissant comme un antidote à l'absurdité de l'humanité.
Je suis moins sensible aux coffrets de Stanley Kwan et Shin'ya Tsukamoto, même s'ils m'intéressent également. Celui de Kwan présente quatre films dont une version Director'cut de 155 minutes de Center Stage et un documentaire sur le cinéma chinois axé sur le genre et la sexualité par Kwan lui-même. Romantisme hong-kongais et corrosivité nippone ! Le coffret de Tsukamoto propose huit longs métrages, deux moyens métrages et un livret de 80 pages toujours aussi soigné. Les suppléments débordent de l'un comme de l'autre. Je me demande parfois si je ne devrais pas essentiellement évoquer les bonus qu'on ne trouve évidemment pas ailleurs et qui font pour moi tout l'intérêt de ces riches rétrospectives. Mais j'avoue par exemple préférer Mizoguchi, Oshima ou Imamura que l'on retrouvera au catalogue.
Pour terminer, le coffret World Cinema Project présenté par Martin Scorsese offre huit découvertes du patrimoine cinématographique mondial dont j'avais chroniqué trois d'entre eux il y a douze ans (Les révoltés d'Alvarado, Transes, La flûte de roseau). Je m'y replongerai une des ces nuits, mais en attendant et en fonction de vos goûts, laissez vous séduire par ces festivals fantastiques qui permettent d'entrer dans le monde d'un cinéaste ou de découvrir des œuvres rares. Si les contrats d'édition étaient éternels, Carlotta pourrait jouer un rôle de cinémathèque domestique, mais certains films disparaissent hélas parfois de leur catalogue.