jeudi 16 janvier 2025
Foin de l'IA
Par Jean-Jacques Birgé,
jeudi 16 janvier 2025 à 06:42 :: Humeurs & opinions

Plus d'un CD sur deux que je reçois, près d'un spectacle sur trois, se réclament de l'IA (intelligence artificielle). Cette tarte à la crème dessert plus ces projets qu'elle ne les rend actuels. On est forcément déçus de n'y entendre rien, rien de différent de d'habitude. L'annonce fait paravent aux autres aspects de la création. Dans ces secteurs artistiques, l'IA n'est qu'un outil parmi d'autres. Est-il utile de revendiquer d'utiliser telle ou telle application ? C'est franchement ridicule, à moins de vouloir séduire les subventionneurs patentés. Les plus aguerris en rigolent, se souvenant qu'ils utilisaient depuis près d'un demi-siècle la MAO (musique assistée par ordinateur), avec des logiciels basés sur des calculs de probabilité ou sur les réseaux neuronaux. Pour l'instant, seule la banalité y trouve son compte, au mieux clonant l'existant. Par contre, l'IA s'ajoute à la panoplie des outils amusants dès lors qu'on la pervertit, comme il est nécessaire de le faire avec tous les outils commercialisés si l'on désire les adapter à ses projets personnels. Je m'interdis donc désormais de revendiquer l'IA dans mes compositions, comme pour mes autres instruments, tous toujours conçus à l'origine pour un certain type de musique, mais certainement pas pour celle que j'ai en tête ! Est-il utile ou nécessaire de clamer que j'utilise des samples enregistrés par d'autres, des machines aux fonctions aléatoires, des applications transformant les sons, des pédales d'effets incroyables, ou que je tripatouille des fichiers midi ? Cette petite cuisine peut être intéressante pour quelques spécialistes, mais mettre l'IA en avant n'est qu'une esbroufe revenant à prononcer des mots compliqués pour camoufler le plus souvent la banalité formatée des musiques dites actuelles. Cela n'empêche pas de s'y intéresser et d'y avoir recours lorsqu'on en a besoin. En en discutant avec Étienne Mineur, nous convenions que ce que j'avance pour la musique s'applique parfaitement au graphisme. Quant à son usage devenu largement répandu dans la fabrication de textes, on évite en général avec précaution de le signaler !
L'autre tarte à la crème inlassablement de plus en plus courante dans les feuillets accompagnant les disques que je reçois est la notion de musique pour un film qui n'existe pas. Le problème avec ces annonces est que la plupart du temps ces musiques ne m'évoquent aucune image ! Il est dangereux de produire des œuvres qui ne correspondent pas aux intentions proclamées. On risque d'être déçus et de passer à côté des véritables qualités de ces créations.