D'un tamalou
Par Jean-Jacques Birgé, mardi 28 janvier 2025 à 00:00 :: Humeurs & opinions :: #5812 :: rss

Les Tamalous, c'est une des façons d'appeler les vieux, du moins c'est ainsi qu'ils se reconnaissent. On peut être vieux très jeune. Il suffit de se plaindre tout le temps des petits maux qui nous accablent. Mon médecin disait que c'est aussi comme cela que l'on reconnaît les vivants. Il est vrai que certains jours de grande souffrance il m'est arrivé d'imaginer que ce ne serait pas un mal si je ne me réveillais pas le lendemain. Et puis j'ai pensé à celles et ceux qui m'aiment et j'ai rangé cette idée pour plus tard, me souvenant que, sauf accident, l'on mourrait le plus souvent lorsqu'on en avait vraiment marre. Aux jeunes que cela angoisse je réponds toujours que ce n'est pas le moment, c'est largement prématuré, ils auront le temps de l'apprivoiser. C'est que la vie peut être courte et longue à la fois. On sent bien qu'ils n'ont pas conscience de la mort en les regardant traverser la rue n'importe comment. Les vieux font pareil, mais parce qu'ils s'en fichent ou qu'ils préfèrent ne pas y penser. La soif de vivre repousse la Faucheuse vers d'autres rivages.
Mais revenons à "t'as mal où ?". Un petit orteil cassé, le cancer de la thyroïde, une méchante grippe, hémorragie des cordes vocales, torticolis, tord ti coula, atchoum, qui dit mieux ? Il est évident que le corps se déglingue très tôt. On en prend en général conscience après 40 ans. Cela fait des lustres que les nuits blanches sont devenues fatales. Bien avant, les cellules se reproduisent plus lentement, les télomères raccourcissent, la production de collagène, la masse musculaire et la densité osseuse diminuent, les vaisseaux sanguins perdent en élasticité, le métabolisme ralentit, heureusement la perte neuronale n'est pas encore perceptible ! On dirait une chanson du comique troupier Ouvrard...
Il est formidable de constater qu'on oublie facilement les misères qu'on a subies. À partir d'un "certain âge", un clou chasse l'autre. Mais si le corps humain dégénère progressivement, en vieillissant on peut apprendre à mieux le gérer. J'ai par exemple souffert de lumbagos dès mes 31 ans, avec hernie discale à la clef. C'était la conséquence d'efforts débiles à transporter mon imposant système de sonorisation lorsque j'en avais 18, sauf qu'à cet âge on s'en remet très vite, c'est plus tard que ça lâche. À force d'exercices quotidiens j'ai réussi à faire disparaître la hernie discale, puis je me suis gainé avec le vélo d'appartement et quarante ans plus tard je n'ai presque plus jamais mal au dos. En période de crise, je me sentais comme si j'avais plus de 90 ans. Aurais-je rajeuni avec l'âge ? C'est la même chose avec les douleurs morales, on peut apprendre à s'en ficher, on évite les contrariétés en slalomant sur la piste noire, de plus en plus rapide. Tout schuss. Si l'on représente le cycle de la vie par une courbe oscillant entre bonnes et mauvaises nouvelles, il suffit de limiter la durée des creux et de prolonger celle des crêtes ! Je ne m'énerve plus jamais, ce qui ne m'empêche nullement de me révolter ! Je ne peux pas en dire autant de mes plaintes. C'est peut-être culturel ? Ma blague juive préférée, que ne comprennent pas toujours les goys, refait surface lorsque ma mère m'appelait au téléphone pour me demander si j'allais bien. Si je répondais que oui, elle rétorquait : "ah tu n'es pas tout seul, je te rappelle plus tard !".
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