Coral de Watt, un mirage
Par Jean-Jacques Birgé, vendredi 7 février 2025 à 02:53 :: Musique :: #5818 :: rss

Watt récidive et pas qu'un peu. La musique de drone est à la mode, mais tout le monde ne sort pas un lapin de son chapeau claque. Je me souviens de l'émotion ressentie en 1970 lorsque j'ai entendu La Monte Young et Marian Zazeela à la Fondation Maeght. Depuis, en général, les drones me barbent, comme si la pédale ostinato était un truc paresseux. Or tenir la note à quatre clarinettes est une sacrée paire de manches (c'était certainement là qu'ils cachaient le lapin). Jean Dousteyssier, Antonin-Tri Hoang, Jean-Brice Godet, Julien Pontvianne jouent en carré, mais ils tiennent la ligne et ça tourne rond. J'ignore comment leur musique me fait planer, pourquoi cela produit rarement cet effet chez moi avec les disques de drone que je reçois régulièrement. Alors ? Je ne sais pas, mais ça marche. Je m'y suis moi-même essayé l'été dernier en Amazonie, cherchant un point de vue personnel avec l'enregistrement L'aube à Shimiyacu pour l'album Animal Opera !
Coral est le troisième disque de WATT après un vinyle et un CD. Or cette fois les quatre coquins sont allés jusqu'à boucler le dernier sillon, sur les deux faces, impossible de savoir laquelle est la première, c'est sans fin. Je dis sans fin, comme on dit que ça se mange sans faim. Mais ils ont poussé le bouchon encore plus loin...

En plus de ce second vinyle, ils publient un coffret de trois cassettes infinies. Sur le lecteur la bande tourne en boucle ! Objet rare, comme les trois sillons concentriques de Laurie Anderson/William Burroughs/John Giorno, Footsteps le vinyle piétiné de Christian Marclay ou l'ultra-lp Lazaretto de Jack White (commandé aussitôt sur les conseils de Jean-Brice Godet, j'y reviendrai quand je l'aurai reçu). J'ai fait une bêtise avec la première cassette, je vais devoir l'ouvrir et opérer, mais tout s'est bien passé avec les deux autres. Pour chacune le quatuor de clarinettes a commandé une pièce sans fin à un compositeur ou une compositrice, Arbres de Léo Dupleix en lents accords mineurs et dissonances aiguës, For 4 clarinets de Karl Naegelen avec ses harmoniques et sons soufflés, et Olim où Caroline Marçot ne se cantonne pas à un seul mode, mais inventorie différentes techniques propres aux anches. Coral, composé par le carré d'as, occupe les deux faces du vinyle, peut-être la pièce la plus magique, apparemment la plus simple, mais seulement en apparence. Tout le travail de WATT se joue justement des apparences, comme si l'on pouvait voir leurs ondes traverser l'espace. Un mirage.
→ WATT, LP Coral + 3 K7 infinies Arbres/For 4 clarinets/Olim, GMEA, 18€ le vinyle, 40€ le coffret de 3 cassettes (tirage à 30 ex.), et sur Bandcamp
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