Comment gérer la douleur ? Pour commencer, elle est inévaluable. Chacun, chacune a ses limites et sa manière de la supporter. Il peut être légitime de se plaindre d'un petit bobo comme d'une maladie grave. Sur la sellette il vaut mieux placer la plainte, parce qu'elle implique les autres. Partager ses angoisses, exprimer ses turpitudes soulage, mais à quel prix ? Je pense parfois au film The Disorderly Orderly (Jerry chez les cinoques) où Jerry Lewis attrape le moindre symptôme que ses patients lui racontent. L'empathie peut permettre au transfert d'opérer. Tout dépend de l'état de la personne à qui l'on s'adresse. Dans les périodes critiques se révèle la fragilité de chacun. On marche sur des œufs alors que l'on n'est plus soi-même, diminué par les assauts de la douleur. Si la mort ou la perspective d'une extrême dégénérescence n'y sont pas associées, reste comment l'endurer. Évidemment on s'inquiète, mais le chatgépétage ou la consultation auprès des professionnels compétents ne règle pas forcément la question, surtout si l'on ne comprend pas la cause du mal. Décrire la douleur avec des mots, le plus précisément possible, tend à l'apprivoiser. J'ai ainsi plusieurs fois fait référence à la lecture du Bras cassé de Henri Michaux qui changea ma vie lorsque j'avais vingt ans. Si la pratique de l'EMDR (intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires) m'a sorti plus d'une fois d'un mauvais pas, je ne rechigne pas à avaler un analgésique puissant pour que la douleur ne se propage pas au delà de son centre névralgique, et mon ostéo préféré fait des miracles. Il n'échappera à personne que ces quelques réflexions sont générées par ma récente raideur du cou dont l'effet épouvantable agissait vingt-quatre heures sur vingt quatre, m'empêchant donc de dormir plusieurs jours d'affilée. J'utilise l'imparfait pour conjurer le sort, mais la radio montre bien une arthrose cervicale prédominante en C4-C5 ! On tombe facilement sur la théorie des dominos. Il est indispensable de circonscrire le mal. Entre le manque de sommeil et les effets secondaires du tramadol-paracétamol mon cerveau s'embue quelque peu. Alors, puisqu'il n'y a pas mort d'homme, je me dis que si la douleur me torture littéralement, j'avoue tout. Rien ne m'empêchera de parler ! Celles et ceux qui connaissent le bavard invétéré riront de l'allusion.