J'aime bien les trucs bizarres, les instruments bizarres, les artistes bizarres, les disques bizarres. Drôle de drame ! Lorsque le bizarre pénètre le réel je suis plus circonspect. Bizarre était le nom d'un des labels de disques de Frank Zappa, le compositeur grâce à qui ma vie musicale a commencé. Quel choc en juillet 1968 à Cincinnati lorsque j'ai entendu We're Only In It For the Money !
Donc voilà, après le Lazaretto de Jack White, je reçois le RRR 500 (Various 500 Lock-Grooves By 500 Artists) produit en 1998 par RRRecords. C'est la lecture d'un disque la plus active que je connaisse, puisqu'à moins de se coltiner une boucle courte pendant je ne sais combien de temps, il faut sans cesse soulever le bras du tourne-disques et le reposer ailleurs. Chaque face est composée de 250 sillons bouclés d'artistes différents. Sur un disque "normal" il n'y a qu'un microsillon par face, l'aiguille se mouvant en spirale. Ici ce sont donc des cercles parfaits. De mes radiophonies (montage d'éléments sonores attrapés au vol sur les ondes, début des années 70) au zapping en direct sur les chaînes de télévision pour le spectacle Zappeurs-pompiers (1989), de la Mascarade Machine (2010) à mes récentes improvisations sur l'Enner auquel j'ai adjoint un poste de radio FM, je m'y retrouve.
À côté de ces sillons sans fin, j'ai découvert qu'il existait de nombreuses autres façons de pervertir des vinyles, par leur taille, leur vitesse, la place et le nombre des trous, divers sillons parallèles, le sens de lecture, la matière, etc.
Pour la pièce 3/3 par 1/2 j'avais découpé plusieurs 33 tours du Drame et en avais recollé des morceaux pour constituer un seul vinyle. De même, dans les années 80, je me souviens de concerts de Christian Marclay où il utilisait simultanément plusieurs bras sur le même disque et les traitait avec des pédales d'effets. Mais ces objets expérimentaux n'étaient pas commercialisés.
Les boucles du RRR 500 sont très variées, musiques de différents styles, voix, bruitages... Même si je lis les noms de Zoviet France, Otomo Yoshihide, Ryoji Ikeda, Terry Riley, Derek Bailey, John Appleton, John Oswald, Jérôme Noetinger, Thurston Moore, Sonic Youth, la plupart me sont inconnus. Cela n'a aucune importance, car les identifier revient à poser l'aiguille dans une botte de foin.