J'évoquais hier la cinquantaine de musiciennes ayant enregistré sur le label GRRR depuis sa création il y a 50 ans. Ce choix fut parfaitement assumé par Un Drame Musical Instantané comme lors de mes projets personnels. Je me suis déjà expliqué pourquoi, à qualités égales, j'ai toujours choisi une fille plutôt qu'un gars. Nous sommes loin de la parité, mais ce n'est pas si mal. Cette équation est un vœu logique, même si les règles, pour une fois imposées à tous, peuvent parfois virer à l'absurde. C'est le propre des règles. Il est pourtant évident que si la pianiste Françoise Toullec avait été un homme ou si elle se comportait en tant que tel, elle bénéficierait d'une reconnaissance largement supérieure à la sienne. En 2012, j'écrivais sur son concert en duo avec la chanteuse Dominique Fonfrède, en 2017 leur CD Dramaticules et en 2022 leur CD Ça qui est merveilleux, ainsi que son solo Un hibou sur la corde en 2019.
Le nouvel album Le Bateleur, Parades & Variations enregistré avec La Banquise est aussi épatant. Cet ensemble est composé de la chanteuse Claudia Solal qui interprète les textes minimalistes ou répétitifs de Fabrice Villard, du contrebassiste Louis-Michel Marion, du batteur Michel Deltruc et du saxophoniste Antoine Arlot à l'alto, au baryton et électronique. La surprise qu'engendrent certains timbres vient aussi des préparations du piano que Toullec maîtrise merveilleusement et des objets excités par Deltruc. Le terme qui me vient le plus simplement est espiègle. C'est joué. Comme les enfants qu'ils n'ont jamais cessé d'être. C'est joué d'avance. On sait où l'on va. C'est-à-dire justement que l'on ne sait pas. Alors c'est joué d'après. D'après le texte ? Il suffit d'une fourche et le chemin bifurque, les touches noires et blanches prenant les couleurs d'Arlequin jusqu'à pousser l'orchestre à des pirouettes de saltimbanques.

→ Françoise Toullec + La Banquise, Le Bateleur, Parades & Variations, CD Gazul