lundi 31 mars 2025
Énormément bizarre + Paris Noir
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 31 mars 2025 à 00:08 :: Expositions

Pour une fois j'avais reçu le catalogue de l'exposition Énormément bizarre avant d'aller à Beaubourg où il n'était pas encore arrivé, mais que j'avais eu le temps d'arpenter. Cela m'évita de me casser le dos pour lire les cartels qui m'obligent d'habitude à jongler avec plusieurs paires de lunettes. Léguée à la Fondation Antoine de Galbert qui en a fait don au Centre Pompidou, la collection Jean Chatelus m'apparut moins glauque que je ne m'y attendais, peut-être grâce à la scénographie de Pauline Phelouzat qui donne de l'espace aux œuvres d'art et aux objets accumulés. À l'entrée le lit de Chatelus, Surveillance Bed IV, fabriqué sur mesure par Julia Scher en 1954 pour qu'il rentre dans sa chambre qui n'est pas reproduite telle quelle, contrairement au salon et au bureau, cabinets de curiosités où s'agglutinent les œuvres les plus disparates, souvent provocantes et chargées d'un humour noir qui montre que l'on n'est jamais débarrassé de son passé.

Il est logique que cette collection rappelle celles qui nous enchantaient à La Maison Rouge et qui nous manquent depuis sa fermeture et le départ d'Antoine de Galbert pour Grenoble. Elle porte bien son titre. Les choix dressent des portraits en creux de chaque collectionneur et Énormément bizarre est celle d'un homme qui certes aimait recevoir, mais vivait seul avec ses obsessions et sa manière de les transgresser. Si l'on y rencontre des masques africains, nombreuses photographies et des objets d'art brut choisis pour leur étrange résonance, on y découvre aussi des œuvres de Delvoye, Spoerri, Aeppli, Witkin, Oursler, Vostell, Nitsch, Gabritschevsky, Ernst, Boltansky, Berkhemer, Michaux, Kusama, des frères Chapman, etc. L'etcétéra est de mise dans cet extraordinaire capharnaüm de 400 pièces qui tient parfois de la magie noire.

Si elle est passionnante d'un point de vue sociologique, l'exposition Paris Noir m'a moins plu, parce qu'il y a moins d'urgence chez les artistes en titre que chez nombreux anonymes ou que le besoin de s'échapper du réel s'y fait moins sentir. Elle reste néanmoins indispensable, mais il faut y faire son chemin et découvrir celles ou ceux qui nous touchent et que nous ignorions. Il est logique que les artistes afro-américains y sont moins représentés que les africains ou caribéens, colonialisme oblige. De 1950 à 2000, c'est une histoire de Paris, comme un quartier d'une capitale qui s'étend sur tout son territoire.

Au dernier étage, cette très grande exposition est structurée chronologiquement comme tant d'autres, les commissaires se sentant obligés de nous donner chaque fois une leçon qui n'y échappe pas. D'où ma préférence pour celles guidées essentiellement pour le plaisir, comme les pratique Jean-Hubert Martin par exemple. Ici se succèdent Paris panafricain, Édouard Glissant, Paris comme école, Surréalisme afro-atlantique, Le saut dans l'abstraction, Paris Dakar Lagos, Solidarités révolutionnaires, Retour vers l'Afrique, Nouvelles abstractions, Affirmation de soi, Rites et mémoires de l'esclavage, Syncrétismes parisiens, Les nouveaux lieux du Paris Noir.
Illustrations : Franz West, Nam June Païk, Justin Lieberman, Jonathan Borofsky, Jesse Wine, Meyer Vaisman... / Folkert de Jong, Alexander Kosolapov, Huang Yong Ping, Jon Pylypchuk, Damien Deroubaix... / Valérie John / Ousmane Sow
→ Énormément bizarre, exposition au Centre Pompidou, jusqu'au 30 juin 2025
→ Paris Noir, exposition au Centre Pompidou, jusqu'au 30 juin 2025