Je me demande ce que les jurys des festivals ont dans la tête lorsqu'ils accordent la Palme d'or à Anora de Sean Baker ou quatre Oscars, le Lion d'argent, plus quelques BAFTA et Golden Globes à The Brutalist de Brady Corbet. On peut comprendre l'enthousiasme pour Emilia Perez de Jacques Audiard sans le partager pour autant, ou s'emballer pour Miséricorde d'Alain Guiraudie, scandaleusement oublié des Césars, L'histoire de Souleymane de Boris Lojkine ou Le roman de Jim des frères Larrieu dont la tendre interprétation de Karim Leklou lui évite de sombrer dans le mélo, mais là ? Le film de Guiraudie met bien une heure à poser le décor avant de déjanter sévèrement, c'est nécessaire, avec un humour quasi buñuélien et une élégante propension aux suggestions. Celui de Lojkine est franchement déprimant, entretenant une tension permanente, parce que son sujet l'exige. Celui des Larrieu tient du feel good movie alors que le sujet pourrait être tout aussi déprimant. Mais l'hystérie répétitive d'Anora est d'un ennui pervers, si l'on se fiche du cynisme des riches oligarques russes et de l'arrogance imbécile du fric fêtard.
Quant à The Brutalist, on peut espérer le meilleur quand ça commence, mais après l'entr'acte on se rend compte que le comédien principal a un jeu tristement monotone, que les autres personnages ne sont absolument pas fouillés, que rien n'est développé, ni justifié ; plus on avance, plus son scénario est bâclé, avec des ellipses ridicules ou absconses. Dans la première partie, j'avais bien saisi les allusions au sublime The Foutainhead (Le rebelle) de King Vidor (un architecte visionnaire incompris et trahi, s'étant retrouvé manœuvre sur un chantier, construit un mausolée), mais à quoi servent les scènes de drogue, la séquence à Carrare, les paysages touristiques, le mutisme de la nièce qui retrouve la parole, son compagnon sorti d'un chapeau, la disparition énigmatique du milliardaire qui n'est pas celle de Louis II de Bavière, la révélation qui tombe comme un cheveu sur la soupe, quid du brutalisme, etc. Les références sont autant de croche-pieds qui font chuter Corbet et si tout le film n'est qu'une métaphore du camp de concentration, c'est tout aussi raté et on en prend pour 3h35. Et une grande partie de la critique de se gargariser. Mama mia.
Il est certain que j'ai regardé pas mal de daubes ces derniers temps. J'ai même eu du plaisir à The Gorge de Scott Derrickson, SF gore avec des monstres très réussis. J'ai aussi ri au charmant Un p'tit truc en plus d'Artus, on en a besoin de temps en temps. A Complete Unknown (Un parfait inconnu) de James Mangold (surtout le début avec Dylan, Seeger et Guthrie, très émouvant) ou The Room Next Door (La chambre d'à côté) de Pedro Almodovar furent de bonnes surprises, parce que les biopics sont rarement réussis (catastrophique Maria, encore une fois malgré les encensoirs) et que les meilleurs films d'Almodovar datent d'il y a longtemps. Ces films tiennent évidemment sur la qualité de l'interprétation. Bird d'Andrea Arnold est chouette aussi. Donc Miséricorde, Le roman de Jim, L'histoire de Souleymane, oui. Probablement pas encore vu ceux qui ne sont pas listés dans ce compte-rendu un peu foutraque ou bien je les ai déjà oubliés !