Après les déferlantes du 7 mars, les ruines de Gaza et les cigales amazoniennes de mardi dernier, entrer en contemplation grâce à la sobriété du trompettiste Wadada Leo Smith et du pianiste Vjay Iyer est tout à fait salutaire. Que le premier soit d'origine indienne et que le second ait atteint ses 83 ans influencerait-il le calme olympien de cette musique qui respire entre les notes ? On a le temps de penser. Or lorsque les deux musiciens américains se penchent calmement sur le monde, ils ont tragiquement mal à l'homme. Après un prélude d'une sobriété exemplaire évoquant la souffrance et la résilience, ils réfléchissent le sumud, comme on nomme la persévérance des Palestiniens à rester sur leurs terres et à résister à la colonisation israélienne. Se référer cette fois à mon article de lundi dernier ! Le Floating River Requiem de Smith s'anime quelque peu en mémoire de Patrice Lumumba, leader congolais indépendantiste assassiné en 1961, comme le Kite d'Iyer pour Refaat Alareer, écrivain et poète palestinien tué à Gaza en décembre 2023. Tout le disque est dédié à cette "vie de défi" où les idées nobles sur le monde sont broyées par l'absurdité criminelle. Ne se déparant pas d'une absolue sérénité, les deux musiciens rendent ainsi hommage à la résistance. Hélas seulement le temps d'un disque, on fait ce qu'on peut, et des minutes qui suivent, on n'oublie surtout pas. Attaquer l'art, l'interdire ou tenter de le faire taire économiquement ou politiquement, annonce toujours le pire. On dit que la musique adoucit les mœurs. Sans misanthropie aucune, lucides et catastrophés, Vijay Iyer et Wadada Leo Smith font passer un magnifique souffle salvateur qui nous réconcilie avec l'humanité.

→ Vijay Iyer / Wadada Leo Smith, Defiant Life, CD ECM / Universal Music, sortie le 21 mars 2025