mardi 1 avril 2025
Sobres évidences d'Agnel, Grimal et Di Domenico
Par Jean-Jacques Birgé,
mardi 1 avril 2025 à 01:47 :: Musique

Lorsqu'à leur écoute j'ai eu l'idée de rapprocher ces deux CD je ne savais pas qu'ils étaient produits l'un et l'autre par Relative Pitch Records. Je ne connais évidemment pas le dixième des artistes de ce label new-yorkais prolixe fondé en 2011, mais je sentais une plénitude, une évidence, un calme agité de fulgurances chez la pianiste Sophie Agnel comme chez la saxophoniste Alexandra Grimal, la première seule devant le cadre métallique et les touches noires et blanches, la seconde aux ténor et soprano en duo avec Giovanni Di Domenico aux piano, célesta et orgue à tuyaux. Si vous les connaissez, vous me suivrez allégrement. Sinon, sachez que ce sont probablement parmi leurs plus belles réussites, à l'une comme aux deux autres. La retenue délicate rivalise avec la générosité du partage. L'urgence avance à pas feutrés. La chanson purement instrumentale de Sophie Agnel au piano préparé dresse son portrait composé des sept facettes d'un miroir brisé. Sur deux de ses Songs elle dialogue avec la voix émouvante de sa maman qui fut chanteuse, diffusée en direct sur une platine tourne-disques. Je me suis aussi amusé à traduire les titres japonais d'Alexandra Grimal et Giovanni Di Domenico : garde d'enfants, demande d'un docteur, tradition orale, trois pièces, attrape-esprit. Cet autre portrait, double, ressemble à une version sérieuse de celui de Groucho Marx dans Duck Soup, un faux-semblant qui réfléchit l'autre soi-même à merveille. Pour Song comme pour Shakkei le dépouillement laisse entrevoir la chair comme celles des statues grecques ou des danseurs de butō. Les oripeaux du free jazz ont été envoyés aux orties. Leurs clins d'œil sont des coups de chapeau à une époque révolue, à moins que ce ne soit qu'une manifestation des mondes parallèles qui abritent les poètes.
→ Sophie Agnel, Song, CD Relative Pitch Records
→ Alexandra Grimal & Giovanni Di Domenico, Shakkei, CD Relative Pitch Records