J'ai terminé le quatrième roman de Michaëla Watteaux au soleil. J'avais besoin de me détendre comme de soleil. Avec son nouvel éditeur, elle ne perd pas au change. Belle couverture style art déco au titre en or débossé et parcours sportif des librairies hexagonales. J'avais lu ses trois précédents romans policiers avec beaucoup d'intérêt parce qu'elle s'y inspirait de phénomènes actuels, en particulier liés aux nouveaux usages d'Internet. Cette fois elle plonge dans le Paris des Années folles en y puisant des portraits forts des gueules cassées de la Première Guerre Mondiale et la faune artistique du Tout-Paris. C'est un peu la version française des romans de Volker Kutscher (d'où est issue la série Babylon Berlin) avec son arrière-fond social et politique, son inspecteur camé et de belles filles qui n'ont pas froid aux yeux ; on verrait d'ailleurs bien une série télé s'en emparer. Beau travail de documentaliste probablement hérité de son passé de réalisatrice de fictions et documentaires à la télévision. On vieillit mieux romancière que cinéaste, elle n'est pas la première à faire les frais du jeunisme qui y sévit. Cette métamorphose lui réussit merveilleusement. Le décor profite à l'intrigue comme dans les romans policiers qui se déroulent en Chine, chez les Peaux-Rouges ou les Aborigènes.
Je ne suis pas étonné, ou si je le suis c'est par la qualité du genre et non celle de l'auteur que je connais depuis nos dix huit ans. Nous avions quitté ensemble nos parents pour vivre en communauté. Mia faisait partie de mon groupe de light-show H Lights avec lequel nous nous produisions sur des groupes pop, et l'année suivant celle où je fus reçu au concours de l'Idhec (devenu la Femis) ce fut son tour ainsi que celui de Luc Barnier qui participait également à nos spectacles lumineux et avait emménagé avec nous. Luc deviendra un des grands monteurs du cinéma (Olivier Assayas, Benoît Jacquot, Les Ch'tis...) et Michaëla réalisera plus d'une vingtaine de films et écrira de nombreux scénarios. Je me souviens évidemment d'Öland, l'île suédoise de sa grand-mère maternelle, du pot de caviar que son oncle avait rapporté de Moscou et que nous avions descendu à la petite cuillère avant de nous faire copieusement engueulés, de son papa qui jouait le rôle d'une statue dans La Belle et la bête, des parties de rigolade et des petites peintures dont elle agrémentait mon journal de bord puisqu'à cette époque je couchais mes idées sur du papier. Le temps a passé, mais j'entends toujours ses romans comme si elle me les lisait à voix haute, et cela me fait plaisir de voir qu'elle a toujours autant d'imagination que lorsqu'elle me racontait ses histoires de petits bonshommes tout verts.

→ Michaëla Watteaux, Shell Shock, ed. Black Lab (Hachette Fictions), 21,90€