Depuis quelque temps j'ai l'impression de ne plus pouvoir me fier du tout à la météo. Est-ce une idée réactionnaire comme de penser que c'était toujours mieux avant ? La mémoire est volatile et l'on a souvent oublié les misères traversées. Par exemple, j'ai beau vieillir, comme tout le monde, il me semble que la dégénérescence physique peut largement s'équilibrer par une meilleure gestion de son corps. C'est pareil avec le ciboulot. Les neurones s'éteignent, mais l'on devient plus sage, c'est du moins une option envisageable à condition d'y travailler. Il n'empêche que le cerveau ressemble à un disque dur et il lui arrive d'atteindre ses limites, à savoir que plus le temps passe, plus la masse d'informations prend de la place. Alors on jette des souvenirs pour pouvoir continuer à en engranger. Comme je l'avais expliqué à ma fille qui préparait une dissertation sur le sujet, il faudrait une vie aussi longue que celle que l'on a vécue pour se souvenir de tout. Lorsque j'étais étudiant à l'Idhec je pensais avoir une perception assez complète de l'histoire du cinéma, or cette histoire, passée de cinquante ans à plus d'un siècle, me donne l'impression de ne plus connaître grand chose. En cette période de vacances où la météo est déterminante pour celles et ceux qui ont à la chance d'en prendre, cette digression interroge le planning de nos activités. Ainsi il était question qu'il pleuve toute la semaine et la prochaine, et ma fille s'est retrouvée sous la neige avec un ciel bleu, et là où nous sommes le dessin d'un beau soleil s'est soudain substitué à celui d'une averse.
Les spécialistes peuvent évoquer la physique du chaos, des modèle complexes intégrant température, pression, humidité, vent, etc., les microclimats, le relief, ou la mer, on a beau utiliser des stations météo hyper sophistiquées, des ballons-sondes, des satellites, des avions, des bateaux dont les résultats sont injectés dans des ordinateurs hyper puissants, les modèles de prévision comme ARPEGE, GFS, IFS, ICON ne sont pas vraiment fiables. La météorologie n'est pas une science exacte. L'interprétation par des météorologues est déterminante et il y en a beaucoup moins qu'avant. Les machines ont trop souvent remplacé ces poètes du climat, j'écris poètes parce que les météorologues que j'ai rencontrés dans le passé me donnaient cette impression. Ils me rappelaient la manière dont les artistes envisagent leurs œuvres, avec une part de somnambulisme, une part de bon sens, une part de subjectivité qu'on appelle l'expérience. Dans aucun domaine, jamais les machines, jamais l'intelligence artificielle ne remplaceront l'intuition humaine lorsqu'elle est vécue par des rêveurs sachant envisager l'impossible.