Le Théâtre Public de Montreuil affiche complet pour les représentations de Makbeth par le Munstrum Théâtre. Il faut probablement être abonné pour être certain d'avoir des places. La file de celles et ceux qui s'inscrivent sur la liste d'attente une heure avant le spectacle est longue. Ce sont essentiellement des jeunes, plutôt une bonne nouvelle. Le spectacle s'adresse explicitement à eux, farce parodique bourrée de références qui leur parlent, humour régressif qui va chercher tant dans la petite enfance que dans leurs passions adolescentes. Loin de Shakespeare dont il ne reste que l'intrigue, il convoque Guignol et Game of Thrones avec effets sonores puissants à base de basses puissantes, chansons pop américaines et effets très réussis de lumière et de fumée. Le premier quart d'heure est une scène de bataille saignante dans l'obscurité où les rideaux de fumigènes jouent les ellipses. La paranoïa, si elle exprime la méfiance et la suspicion, s'appuie sur une mégalomanie où les instincts de pouvoir sont contrariés par des signes irrationnels. Celle de Makbeth renvoie évidemment à Netanyahou, Poutine ou Trump. Avec ce dernier la rivalité clownesque est difficilement surpassable, mais ici l'on rit. Je pense au Dictateur de Chaplin. "Tuons-les tous avant qu'ils nous tuent !" est leur moteur. Le Munstrum fait gicler le sang en veux-tu en voilà. Il n'y a pas de limites. J'ai ri quand la victime est un des techniciens de plateau. Leurs masques les rend androgynes, voire plutôt mâles, on s'en aperçoit quand vient le salut qui se cachait derrière. L'énergie chorégraphique des comédiens exige aussi une jeunesse des corps.


Dans ce spectacle de poudre et de salpêtre le public retrouve la grandiloquence des blockbusters américains revue par une poésie critique typiquement européenne. Il est probable que relire Bienvenue dans le désert du réel de Slavoj Žižek m'apporterait une analyse plus fine de ce spectacle qui mêle le petit Guignol et le Grand Guignol. Les spectateurs rient aux mimiques les plus caricaturales, au jeu grossier, mais la violence est celle de notre époque, sans plus aucun rempart, sans plus aucune justice, sans plus aucune morale. C'est aussi celle de l'humanité. La fascination se confronte à la révulsion. La fréquentation du théâtre est une bonne nouvelle. Elle offre une distance que le cinéma n'apporte pas toujours. Le phénomène d'identification y est moins prenant, moins hypnotique, et la distanciation s'y exerce plus facilement.

À la fin de son article de mardi dans Mediapart, Jean-Pierre Thibaudat rappelle que Makbeth a été créé à Chateauvallon en février, le spectacle poursuit sa tournée au Théâtre Public de Montreuil jusqu’au 15 mai, puis les 22 et 23 mai à La Filature de Mulhouse et du 10 au 13 juin au Théâtre du Nord de Lille. D’autres dates suivront dont à Paris le Théâtre du Rond Point cet automne.