Catastrophe
Par Jean-Jacques Birgé, mercredi 28 mai 2025 à 07:06 :: Perso :: #5917 :: rss

La catastrophe n'arrive jamais d'où on l'attend. Je me souviens que notre appartement était entouré de mezzanines à certains endroits sans garde-corps. J'avais fait peindre une ligne jaune continue et expliqué à notre fille qui était encore toute petite qu'il était strictement interdit de la franchir. Obéissante, elle fit toujours très attention. Combien d'amis nous firent remarquer que nous étions totalement inconscients ! Un jour qu'elle se dirigeait vers l'escalier pour monter nous rejoindre, elle a trébuché et s'est ouvert le front sur la première marche. J'aurais pu citer d'autres exemples, mais celui-ci m'avait particulièrement marqué. On a beau prendre toutes les précautions, "shit happens!".
Oh, ce n'est pas si grave cette fois, mais je suis paralysé. Comme un grand trou noir de l'instant de la catastrophe jusqu'aux heures qui suivirent. Le soir j'ai quitté un concert au milieu. Comme disait Bernard : "on est fragile". En rentrant je regarde avec tendresse les mauvaises herbes qui poussent le long des maisons. Je pense au monde entier pour relativiser, je pense au génocide qui se perpétue à Gaza, je pense aux gens qui meurent de faim et de froid, je pense à ceux à qui on vient d'annoncer qu'ils ont une maladie grave, voire incurable, histoire de relativiser. Dans ces cas-là ma maman avait l'habitude de dire qu'il n'y avait pas mort d'homme. Elle avait évidemment raison, mais cela n'empêche pas que ce soit très contrariant.
Arrivés vers sept heures, les terrassiers terminaient leur travail devant la maison. Le trou était immense. Le bruit avait fait fuir les chats. J'avais déjà pris mon petit-déjeuner, et même fait ma demi-heure de vélo en Arizona. Je me laisse téléporter en regardant l'écran fixé à la machine. Il faisait frisquet à cette heure matinale, mais l'exercice me faisait suer. Sur Radio Libertaire s'étaient succédés Brigitte Fontaine, Bashung, Brassens, Vian et Bobby Lapointe. Bonne cuvée ! Redescendu je prenais note des mails arrivés pendant la nuit. Et c'est arrivé très vite.
J'ai l'habitude de ne laisser aucun liquide à proximité de mon ordinateur. En attrapant ma tasse de thé j'en ai un peu renversé sur le clavier. J'ai vite épongé avec mon mouchoir, mais j'aurais mieux fait de retourner la machine vers le bas pour éviter que cela pénètre à l'intérieur. Tout s'est éteint. Pas moyen de rallumer. Il ne me restait plus qu'à aller le porter chez SOS Master dont la réputation n'est plus à faire. J'ai donc enfourché ma vraie bicyclette et pédalé jusqu'à République... Les nouvelles sont mauvaises. Heureusement ma dernière sauvegarde date d'il y a un mois. Mais un mois pour moi c'est beaucoup. Incapable de travailler, j'ai tapé ces lignes en espérant être capable ensuite de penser à autre chose en attendant le bilan qui peut mettre deux ou trois jours. Si c'est réparable ce n'est que de l'argent. Si c'est mort, c'est beaucoup plus d'argent et ma phrase précédente ne vaut pas tripette. Et du temps, beaucoup de temps. Je ne m'en veux même pas. On a beau faire attention, on n'échappe jamais aux mauvaises nouvelles. On peut juste espérer qu'elles s'équilibreront avec de bonnes, mais alors de vraiment bonnes...
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