À cause d'un assassinat (The Parallax View)
Par Jean-Jacques Birgé, mercredi 18 juin 2025 à 00:00 :: Cinéma & DVD :: #5924 :: rss

"En retard, en retard, en retard..." répète le lapin d'Alice. Dans Muriel d'Alain Resnais, un de mes films préférés, Ernest (Jean Champion) fredonne : Y a aussi le temps qui file, c' qu'il est pressé, c'est insensé ; doucement, doucement, Monsieur le Temps, vite, ralentissez au tournant ; hier, je n'étais qu'un enfant et déjà j'ai des cheveux blancs...". Ne me parlez pas de la retraite, ce n'est qu'un statut, pas une réalité, du moins pour moi, comme jadis l'intermittence n'était qu'un statut, je travaille toujours autant, rien à voir avec les dividendes. Hier j'enregistrais Claire Marchal et Raphaël Godeau, demain mixage, on en reparlera. Mais ce sont les mille et une choses qui s'amoncellent, m'absorbent et m'avalent. Le soir je sors au concert, je regarde un film à la maison ou je vois des amis, histoire de me déconnecter absolument.
Ainsi il y a quelques jours j'ai revu un film d'Alan J. Pakula sorti en 1974, À cause d'un assassinat (The Parallax View), dans une magnifique version restaurée et agrémentée d'une superbe présentation comme Carlotta aime toujours en proposer, suppléments passionnants, livre de 160 pages, graphisme magnifique, etcétéra. Le rappel de la paranoïa des années 70 colle hélas parfaitement avec les manipulations politiques et médiatiques qui ne font que s'amplifier, d'une part à cause du contexte actuel où la dictature n'est même plus une tentation, d'autre part pour des raisons techniques. Pascal est justement passé avec un livre de Daniel Schneidermann intitulé Berlin, 1933 qui fait terriblement penser à l'époque actuelle, en particulier le rôle de la presse internationale face au génocide en cours à Gaza. C'est même pire aujourd'hui, car s'ajoutent la télévision et la bombe atomique. En 1974 on aurait classé le film de Pakula en politique-fiction, mais c'est devenu bien réel cinquante ans plus tard. Des sociétés privées règlent les affaires sales des prétendues démocraties. Les assassinats des frères Kennedy ont évidemment servi de modèles, mais le réalisateur ne nomme personne, s'attachant simplement au mécanisme incontournable du complot.
Warren Beatty, qui joue le rôle du journaliste investigateur, passera plus tard à la réalisation de deux films américains majeurs qu'on appelait engagés, Reds et Bulworth. Quant à Pakula il signera deux ans plus tard Les hommes du président (All the President's Men) sur le scandale du Watergate. La France n'est pas en reste, le colonialisme et l'ingérence ont généré plus d'un assassinat de président, de Sankara à Khadafi, et les manipulations médiatiques sont aussi efficaces qu'ailleurs, les fake news étant avant tout l'œuvre des états et de leurs services de renseignements et de communication. Sans culture et sans compréhension des enjeux économiques, l'Intelligence Artificielle nous fera avaler n'importe quoi sous couvert de guerre de religion ou de leçon de savoir vivre. Et les populations d'en crever.
À cause d'un assassinat est aussi un excellent thriller qui tient en haleine, superbement interprété et éclairé.
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