lundi 24 septembre 2012
Sur nature à petit bruit
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 24 septembre 2012 à 00:02 :: Expositions
Nous sommes si souvent déçus par les expositions d'art contemporain qu'une petite brise de fraîcheur venant du 104 nous a ravis samedi après-midi. Les fantasmes de réussite font glisser tant d'artistes sur la pente savonneuse de la mode ou de supposées recettes qui auraient fait leur preuve que les véritables urgences sont noyées dans cet océan de clones et de futilités ressassées. Bien des professeurs portent une lourde responsabilité de vouloir former des élèves à leur image. Duchamp se retournerait dans sa tombe en découvrant la foule de ses adeptes, comme tous ceux qui ont fait des émules à l'instar de Lacan ou Godard. Il est si difficile de suivre sans imiter, d'apprendre en restant soi, de vivre sans croire le dogme... En même temps les plus authentiques n'en ont cure car ils ignorent le choix. Ils se nourrissent de leur insatisfaction fondatrice et de cette pulsion salvatrice qui les empêche de commettre le pire.
Tout n'est pas du même tonneau dans l'exposition Sur nature présentée au 104 jusqu'au 17 mars 2013. Deux artistes se détachent nettement : Céleste Boursier-Mougenot avec la version 16 de From Here to Ear et Zimoun avec 416 prepared dc-motors... et Woodworms, wood, microphone, sound system. Ce sont étonnamment les trois installations sonores qui retiennent notre attention. La cheminée de cartons résonnants affublés de petits moteurs rotatifs recycle un ancien projet de Zimoun pour donner l'illusion de la pluie tandis qu'un microphone capte le bruit des vers dévorant le bois dans la salle d'à côté.
Mais si l'espace du 104 mérite le détour, l'installation de Céleste Boursier-Mougenot vaut le voyage. Des dizaines de diamants mandarins volètent dans deux salles où sont disposées dans l'une six guitares Gibson et une basse, dans l'autre cinq guitares et deux basses, chacune branchée sur un ampli Fender. L'artiste ne se moque pas de ses interprètes : le son est là ! Les oiseaux venant se poser sur les manches composent une partition aléatoire charmante, sereine, aérienne, qui varie selon les heures et l'excitation des volatiles mis en condition pendant quinze jours avant l'ouverture au public. Nos mouvements provoquent les leurs lorsqu'ils ne vont pas se nicher dans leurs habitations tressées suspendues ou dans les cymbales Paiste, mangeoires posées au sol. Le concert de leurs voix lilliputiennes vient se mêler aux cordes électriques, interrogeant notre rapport à la structure, à l'indétermination et au chant du monde.