mercredi 25 décembre 2024
Collage raisonné A
Par Jean-Jacques Birgé,
mercredi 25 décembre 2024 à 00:26 :: Expositions
Comme je le racontais au début du mois en évoquant l'exposition de Sun Sun Yip, j'ai la chance d'avoir quelques amis plasticiens qui me font rêver. Deux de ces camarades qui me sont très chers nous ont récemment offert des tableaux à accrocher au mur. J'ai beau avoir une maison relativement grande, les surfaces ne sont pas extensibles et j'ai choisi d'en garder certaines immaculées, histoire de reposer mes yeux, de me laisser aller à la rêverie à partir du vide, d'y projeter de la lumière ou des films. Je venais de trouver la place du triptyque Dans le vent confus du voyage de mc gayffier quand me vint l'idée de placer l'impression Collage raisonné A d'Éric Vernhes sous l'oléarium du salon, derrière le divan rouge, près de tableaux possédant tous une dominante de cette couleur. L'oléarium est un une sorte d'aquarium rempli d'huile ayant servi de loupe devant un téléviseur des années 50 et utilisé par Raymond Sarti dans son décor du K de Dino Buzzati pour Un Drame Musical Instantané. Combien se sont fendus de grimaces en se plaçant de chaque côté de l'objet incrusté dans l'épaisseur du mur. À la droite de l'œuvre d'Éric Vernhes on peut en admirer d'autres de mc gayffier, Sun Sun Yip, Arlette Martin, Aldo Sperber... Dans le bas à droite de la photo apparaît l'ombre d'une oreille d'un Nabaztag.
Ayant déjà écrit plusieurs articles sur son travail et connaissant ses aptitudes incroyables à manier les techniques les plus primitives aux plus contemporaines, j'ai demandé à Éric comment il avait réalisé cette abstraction. Collage raisonné A est donc un arrêt sur image d'un assemblage de mèches d'un logiciel génératif qu'il a inventé. Me référant à d'autres de ses créations picturales j'y pressens une partition musicale d'une œuvre complexe où les textures sont rythmées par les surfaces. Comme toute représentation graphique sonore il faut s'approcher pour constater la précision des points (pixels ?), des à-plat et des brumes, et envisager de les interpréter.
Dans cette lointaine perspective, muni d'une perceuse, j'ai esquinté le mur de béton sans succès pour y visser un piton, optant finalement pour un scotch double face ne pouvant supporter le poids du cadre qui a glissé en brisant la vitre, heureusement sans abîmer le papier. Le verre indiquait de nouvelles lignes musicales, mais le danger de se couper et le respect de l'intégrité de l'œuvre m'obligèrent à mettre de côté cette collaboration artistique involontaire. Éric m'a rassuré en m'annonçant qu'il passerait avec une perceuse plus puissante et une vitre empêchant le papier de jaunir avec le temps. Je ne suis pas du tout bricoleur, même si je m'y colle régulièrement. Mes mains ne sont à l'aise que devant des claviers, qu'ils soient à écrire, à cuire ou à jouer, encore que je tape à deux doigts, fais ce que je peux sur les touches noires et blanches, improvisant sans cesse, soit rectifier le tir de la phrase précédente sans faire tilter le flipper. De quoi forcément perdre la boule lorsque je ne suis plus dans mon élément !