70 Expositions - juin 2025 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 20 juin 2025

Au Grand Palais, mon hit-parade des expos


1. Commençons par l'exposition qui m'a le plus touché et intéressé, Art Brut - Dans l'intimité d'une collection - La donation Decharme au Centre Pompidou. Je connaissais certaines œuvres, pour les avoir vues à la Maison Rouge il y a dix ans ou intégrées à Carambolages dont j'avais composé la musique pour Jean-Hubert Martin, mais il y en a là tout de même quatre cents, dont beaucoup que je ne connaissais pas. De plus, la scénographie de Corinne Marchand où le rouge prédomine les présente intelligemment et agréablement. Les salles portent des titres évocateurs : Réparer le monde, "À moi les langues de feu qui embrasent", De l'ordre nom de Dieu !, Art Brut autour du Monde suivi de Japon, Cuba, Brésil, puis Bris Collage, La "S" Grand Atelier, Creative Growth Center, La Maison des Artistes, Œuvres orphelines, Danse avec les esprits, Journaux intimes Journaux de Monde, Épopées célestes. Les cartels indiquent souvent ce qui caractérise les artistes, car chacun ou chacune a ses marottes. Après le musée de Lausanne (rappelons que la France envoya promener Dubuffet !), les donations Jean Chatelus et Bruno Decharme au Centre Pompidou semblent indiquer l'intégration de l'art brut dans l'Histoire de l'art moderne et contemporain. J'imagine que ce qui l'a précédé dans les siècles passés fut largement détruit. La passion, l'urgence, l'intégrité rendent ces œuvres absolument fabuleuses. J'illustre mon petit article avec un cocon, œuvre sans titre de Judith Scott, porteuse de trisomie 21, rendue sourde enfant par la scarlatine, découverte et intégrée au Creative Growth Art Center d'Oakland. L'exposition réalisée par Bruno Ducharme et son épouse Barbara Safarova nous fait voyager tant sur la planète que dans les méandres profondes de notre cerveau.


2. Contrairement aux expériences habituelles d'interactivité en réalité virtuelle, j'ai beaucoup aimé Insider-Outsider en enfilant le casque audiovisuel me permettant de naviguer dans la chambre et l'œuvre d'Henry Darger. Le spectacle de dix minutes réalisé et sonorisé (pop) par Philippe Cohen Solal (Gotan Project) est commenté par Denis Lavant (avec qui Lionel Martin et moi-même venons de sortir un double CD) dont l'intérêt pour l'art brut est évident (sic). Je retrouve le côté ludique et merveilleux des CD-Roms dont j'avais l'habitude de composer les partitions sonores et musicales. Tournant sur notre tabouret et battant des mains, nous plongeons dans l'univers de Darger lors de cette pause automatiquement intime au milieu de la visite, entre le premier et le second étage.


3. Je me perds dans la topographie du Grand Palais réouvert et somptueusement étendu. Le rideau monumental de dix-neuf mètres de long s'ouvre et se ferme. Je n'ai pas compté le nombre de boutiques, mais elles sont évidemment présentes et mises en valeur ! Les meilleures expositions sont accessibles par le square Jean Perrin, les moins indispensables en face du Petit Palais.


4. L'exposition Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten est évidemment très chouette, mais la scénographie n'est pas à la hauteur des œuvres présentées. Il y a évidemment certaines machines de Tinguely en mouvement, mais pour moi c'est du réchauffé, d'abord parce que l'expo consacrée au même endroit en 2014 à Nikki de Saint-Phalle était autrement plus consistante et révélatrice des aspects moins connus de son travail, d'autre part nous sommes loin de la folie du Musée Tinguely à Bâle. Et je n'ai pas compris ce qu'apportait "le regard" de Pontus Hultén à la chose.


Il n'empêche que c'est toujours sympathique à voir ou revoir, mais, si vous voyagez, je conseillerais fortement la visite du Cyclop à Milly-La Forêt ou celle du Jardin des Tarots en Toscane ! En photo, la Mariée que j'avais sonorisée en 2002 pour le Centre Pompidou...


J'avais oublié l'apport de l'artiste finlandais Olof Ultvedt en 1966 au Hon/Elle de Nikki de Saint-Phalle à Stockholm, entre autres avec l'installation Mannen i stolen.


5. Je ne m'y attendais pas, mais les tapisseries des Danois Kirstine Roepstorff, Bjørn Nørgaard, Tal R et Alexander Tovborg sont superbes. Elles ont été tissées dans les manufactures nationales des Gobelins et de Beauvais ainsi que dans les ateliers privés d'Aubusson par de talentueux artisans français d'après leurs esquisses. Les couleurs explosent et les matières leur donnent divers reliefs. Je suis passé directement d'Art Brut à Tapisseries royales - Savoir-faire français et tapisseries contemporaines danoises.

6. J'ai fait juste un petit tour au sous-sol, à Transparence, ludique et sympathique pour les enfants de 2 à 10 ans. C'est le genre d'exposition qui se teste avec eux. Rien d'extraordinaire, mais ils s'y amuseront certainement, d'autant que les attractions parisiennes qui leur sont destinées sont toujours bienvenues.


7. L'espace "immersif et sensoriel" Ernesto Neto - Nosso Barco Tambor Terra (Notre Barque Tambour Terre), installation monumentale en crochet, écorce et épices, invitant à l’émerveillement et au partage, est dans la lignée des œuvres d'Olga de Amaral ou Chiharu Shiota, sans leur génie. La pseudo participation du public est même carrément énervante, chacun, chacune faisant la queue pour taper sur une percussion emmaillotée.

8. Je n'ai pas non plus senti l'intérêt des Horizontes - Peintures brésiliennes qui la surplombent, si ce n'est pour apprécier l'architecture du Grand Palais.


9. Mais il y a pire, vraiment bien pire. Présenter les ballons gonflables d'Euphoria - Art is in the Air dans une perspective artistique, c'est tomber bien bas pour mettre l'art à la portée des caniches qui eux s'en battraient les oreilles. Par contre ce sont de bonnes idées pour décorer un dancing, un club de plage ou l'entrée d'Ikea. Je range ces attractions régressives avec les Koons, Hearst ou Murakami, parfaites pour égayer les vitrines des grands magasins pendant les fêtes de Noël. Ma critique est un peu dure, car cela occupera les enfants qui vous ficheront la paix pendant une heure, encore qu'aller au square faire du toboggan coûte moins cher, ne vous oblige pas à réserver et faire des queues interminables. Apprécions tout de même l'attention délicate de prêter des parapluies pendant l'attente devant la porte, que ce soit pour la pluie ou le soleil.


10. Je ne regrette pas ma visite au Grand Palais, surtout si je remonte à mon numéro 1, amusé de voir que comme souvent les travaux ne sont pas terminés, qu'il faut parfois contourner un chariot élévateur ou enjamber une ficelle. Le lieu réorganisé est incroyable et mérite vraiment d'y aller quels que soient vos goûts en matière d'art ou de sortie...

Au Grand Palais :
→ Art Brut, jusqu'au 21 septembre 2025
→ Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten, 26 juin au 4 janvier 2026
→ Tapisseries royales, jusqu'au 17 août 2025
→ Transparence - Palais des enfants, jusqu'au 29 août 2027
→ Ernesto Neto, jusqu'au 25 juillet 2025
→ Horizontes - Peintures brésiliennes, jusqu'au 25 juillet 2025
→ Euphoria, jusqu'au 7 septembre 2025

vendredi 13 juin 2025

Zoo cruel


Les zoos révèlent toujours l'ambiguïté que les animaux enfermés y sont sacrifiés pour élargir le monde aux yeux des enfants, voire des autres membres de l'espèce humaine, un mammifère parmi les autres, "animaux dénaturés" comme les appelle l'écrivain Vercors. Ils évoquent un paradis perdu qui existait encore lorsque j'étais petit, avec ses îles désertes, ses jungles impénétrables, ses tribus inconnues et ses trésors à la Jules Verne. À l'époque des satellites et d'Internet ce rêve a totalement disparu sur l'autel de la colonisation, de l'expansion et du profit. La Terre est pillée, détruite, exsangue. Il reste peut-être le fond des mers à explorer, les aquariums n'en exposant qu'un minuscule aspect. D'un côté, les zoos évoquent un ailleurs, un autre monde, une traversée du miroir, une ouverture d'esprit vers l'altérité. D'un autre leurs pensionnaires y vivent derrière des barreaux. Je me souviens du choc ressenti au zoo du Caire où étaient présentés dans des cages minuscules un caniche et un berger allemand, chiens inconnus des petits Egyptiens. Ils nous renvoyaient l'image de leurs frères de détention à Paris, Londres, Stockholm, Johannesburg ou San Diego. Les zoos expriment clairement nos contradictions. Je mange bien de la viande alors que j'aime les bêtes. Mais je mange de tout, parce que je suis une sorte d'animiste athée qui pense que la vie est partout, allant jusqu'à imaginer que les objets inanimés ont une âme ! J'exagère à peine, rien ne se perd, rien ne se crée, les atomes changent simplement de partenaires.
C'est la raison pour laquelle je répète à mon petit-fils de ne pas arracher les feuilles des arbres pour rien. C'est pour lui aussi que nous sommes allées au Parc Zoologique de Paris, dans le bois de Vincennes, qui a été totalement repensé il y a déjà dix ans, avec de plus grands espaces pour les animaux. En semaine il y a peu de monde. Il faut dire que l'entrée est très chère. Les animaux sont détendus, parfois curieux. Ils n'ont pas vraiment le choix. Ceux qui naturellement se contentaient de petits territoires y sont mieux que ceux dont l'espace est devenu dramatiquement exigu. Les soigneurs s'occupent bien d'eux, il y a même des espèces en voie de disparition qui sont sauvées grâce aux zoos. Mais si elles sont sauvées, c'est que l'homme a conquis leur espace vital. De plus en plus nombreux, nous déboisons, nous bitumons, nous édifions. Cela n'empêche qu'Eliott et nous passons une très agréable matinée sous un ciel clément à nous projeter loin par ce trou de serrure qu'on appelle zoo.

jeudi 12 juin 2025

L'électromécanomaniaque Gilbert Peyre à la Halle Saint Pierre


Avez-vous jamais vu un harmonium léviter tandis qu'un marteau cognait une cloche et qu'un cervidé en manteau de fourrure lui tournait autour martelant le sol de ses sabots sonores devant des vitraux composé de cul de bouteilles en plastique ? Une radio explosant de joie devant un match décisif ? Je m'arrête là, la visite commentée, absolument indispensable, dure plus d'une heure et demie. Les automates sont des mises en scène à la fois drôles et critiques. Je ne me suis pas trompé en choississant cette activité qui puisse intéresser mon petit-fils de sept ans. Je repense chaque fois à la phrase d'une dame relevée par Cocteau à la première d'Entr'acte d'Erik Satie : "Si j'avais su que c'était si bête, j'aurais emmener les enfants !". Alors cette fois, ne les en privez pas, pas plus que la part d'enfance que, j'espère, vous avez soigneusement préservée. Les machines de Gilbert Peyre sont à cheval entre Tinguely et Pierrick Sorin. Ça tourne et danse, fume et brûle, frappe et hurle, s'avance et recule... J'ai adoré le génie enfermé dans un bidon d'essence !


Comme nous étions en avance sur la visite guidée du premier étage nous avons admiré L'art brut d'Iran au rez-de-chaussée.
La semaine prochaine j'irai seul (puisqu'Eliott est rentré chez lui) voir l’exceptionnelle collection de Bruno Decharme au Grand Palais, j'en profiterai pour arpenter les expositions Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten, Ernesto Neto Nosso Barco Tambor Terra, Euphoria Art in the Air, Horizontes Peintures brésiliennes, Tapisseries royales Savoir-faire français et tapisseries contemporaines danoises, Transparence La première exposition du Palais des enfants... Le menu est colossal. J'ignore encore celles qui m'enchanteront, mais j'ai une petite idée !

L'électromécanomaniaque Gilbert Peyre, exposition à la Halle Saint Pierre, jusqu'au 31 juillet 2025