70 Humeurs & opinions - juin 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 22 juin 2015

Lettre ouverte au Maire de Bagnolet au sujet des Baras


Il est important d'agir avant l'été, période propice aux expulsions quand nombreux riverains solidaires sont en vacances ! L'année dernière c'est justement début août que les Baras avaient été chassés. Ils avaient trouvé refuge in extremis dans l'ancien local vide de Pôle-Emploi à Bagnolet...

Monsieur le Maire de Bagnolet,
Madame, Monsieur la Président(e) de groupe…
Comme vous le savez, un groupe de 160 personnes originaires d’Afrique occupent les anciens locaux de Pôle-Emploi. Tous doivent leur vie à leur départ précipité de Lybie où ils travaillaient et où la France avait engagé des hostilités pour lesquelles ils ne portaient aucune responsabilité. Les membres de ce collectif connu sous le nom des Baras ne sont pas des sans-papiers comme on a coutume de les qualifier. Ils ont des papiers de leurs pays respectifs ainsi que des papiers européens homologués en Italie qui ne sont hélas pas reconnus par notre pays, patrie des Droits de l’Homme !
L’an passé, ils ont été chassés de leur local précédent à la suite d’un incendie. Après une errance difficile ils ont abouti au 72 rue René Alazard à Bagnolet, propriété de Natixis, banque de financement, de gestion et de services financiers du groupe BPCE. La majorité municipale à la suite de cet événement avait pris des engagements. Depuis, ils ne cessent de venir au Conseil interpeller les élus de la majorité.
Il n’y a malheureusement rien de concret. Pire, la Mairie a signé un arrêt permettant à Véolia de leur couper l’eau, faisant peser un risque sanitaire grave aux occupants. Depuis peu, ce genre de manœuvre honteuse est heureusement devenue hors-la-loi.
La décision d’évacuation est aujourd’hui suspendue au dessus des têtes des 160 personnes résidant dans ces locaux.
Il est clair qu’une collectivité à elle seule ne peut résoudre toute les situations dramatiques. Mais elle se doit de montrer l’exemple et l’on voit dans plusieurs collectivités des initiatives positives permettant de régler ce genre de situations et démontrant qu’il est possible d’avoir d’autres choix que la répression et l’errance.
Il est indispensable que les membres du collectif des Baras obtiennent une domiciliation pour faire valoir leurs droits et permettre à terme le règlement de leurs situations administratives. Réaction totalement absurde de la part de la municipalité, cette domiciliation leur a été refusée encore récemment par le CCAS de notre ville. Sans cette domiciliation ils ne peuvent par exemple pas avoir de compte bancaire. Ce serait un pas vers une régularisation de leur statut. Sans, ils sont une main d’œuvre corvéable et exploitable à merci, favorisant le travail au noir qui profite essentiellement à des employeurs sans scrupules qui les rétribuent en dessous du SMIC et sans payer les charges sociales. Les Baras, terme qui signifie travailleur en langue bambara, sont avant tout des travailleurs.
Nous demandons donc aujourd’hui que tous ces travailleurs, dont le comportement civil est exemplaire dans le quartier, soient régularisés par la Préfecture et que la municipalité intervienne en ce sens par tous les moyens possibles. En attendant, et ce serait le début d’une solution nécessaire, nous demandons que la municipalité leur accorde la domiciliation dont ils ont besoin, décision qui incombe exclusivement à la municipalité.
Après un an d’engagements non tenus et de refus incompréhensibles, nous demandons à la municipalité des actes et que ceux-ci aillent dans le sens d’une reconnaissance indispensable qui mettent fin à une situation qui déshonore la République.

Les représentants du Collectif Citoyen de Bagnolet
Christophe Biet, Jean-Jacques Birgé, Pascal Delmont, Céline Gayon, André Maudet, Youenn Plouhinec, Françoise Romand…

P.S. : Réponse du Maire le 17 juin - "Cher Monsieur, Je prends connaissance de votre courrier auquel je vais répondre de manière précise et circonstanciée. Celui-ci contient en effet un certain nombre d'erreurs voire des passages totalement mensongers. Recevez mes salutations les meilleures. Tony Di Martino, Maire de Bagnolet."

jeudi 11 juin 2015

Il faut que la peur change de camp


Face à l'arrogance des puissants qui se sentent invulnérables se cristallise une radicalisation de plus en plus surprenante.
Dans toute l'Europe la bascule vers l'extrême-droite est une de ses formes les plus dangereuses, faute d'analyse conséquente permettant de comprendre ce qu'elle incarne pour les plus démunis. La démagogie consistant à reprendre les arguments de l'extrême-gauche en les dévoyant est une de ses techniques, offrant aux sociaux-démocrates de mettre tous les extrêmes dans le même sac pour opacifier les enjeux. L'islamisation est du même ordre, réaction épidermique à des lois débiles et des pratiques monstrueuses. Pour exemple à celles et ceux qui l'ignorent et à qui cela peut rappeler quelque chose, le Parti Communiste est interdit en Ukraine, mais le parti fachiste Svoboda est autorisé. Le tout avec la bénédiction de l'Europe.
D'autres acquièrent une conscience de classe et les idées révolutionnaires germent à nouveau. Qu'il s'agisse d'un individu ou d'une caste, lorsque les puissants agissent avec la plus grande arrogance et de manière la plus honteuse leur chute n'est pas loin. Voilà plusieurs fois ces derniers mois que j'entends dans la rue que des têtes doivent tomber. Un vent de révolution souffle dans les esprits critiques qui voient bien que la catastrophe se répand de façon exponentielle, tant politique qu'écologique, et que toute la planète est menacée par de grands criminels agissant plus ou moins dans le cadre de lois qu'ils ont dictées. Les États-Unis montrent l'exemple en termes de cynisme et de manipulation des consciences, mais les responsables se retrouvent partout aux commandes de l'économie, créant des famines et des génocides, fabriquant les armes qui les autorisent, développant des secteurs de recherche morbides en prévision d'une redistribution des cartes géopolitiques liées entre autres aux modifications du climat dont ils sont les auteurs.
J'ai été très surpris des propos récents d'un ami que j'ai longtemps considéré comme une personne modérée et qui s'est rapidement radicalisé au vu de son expérience professionnelle en milieu social. En opposition à l'aquoibonisme et à la démission de nombreux citoyens, il me souffla qu'il y avait une solution. J'ai immédiatement pensé à Slavoj Žižek qui commençait toutes ses conférences en se demandant pourquoi les Hommes envisagent la fin du monde et pas celle du capitalisme ! Cet ami m'expliqua qu'il fallait "que la peur change de camp" ! Il suggéra que des assassinats ciblés sur les grands responsables de l'industrie, surtout pas les politiques qui ne sont que leurs larbins, serait de la plus grande efficacité. Nestlé, Total, ça commence à sentir le roussi ! Cela ressemble évidemment aux activités de la Fraction Armée Rouge, des Brigades Rouges ou d'Action Directe, groupes tragiquement manipulés par des intérêts d'état, mais il insista qu'il ne fallait surtout publier aucune revendication pour que les cibles et les citoyens s'interrogent, démarche brechtienne s'il en est !
Aujourd'hui toutes les solutions sont envisageables face à la catastrophe humanitaire annoncée. En Europe les sociaux-démocrates sont en train de faire le lit des fachistes comme au début du siècle dernier. Le gouvernement français est un des plus réactionnaires que nous ayons eu depuis des décennies. Le dollar, auquel nous sommes inféodés, fait saigner la planète et personne ne sait si l'hémorragie est jugulable avant la catastrophe. S'il est une certitude, c'est que l'on ne peut pas attendre les bras croisés.

mardi 9 juin 2015

La presse condamnée ?


Lorsqu'une chronique de disque est payée 5 euros le journaliste professionnel n'a d'autre solution que de bâcler pour gagner sa vie. Lorsque le blogueur bénévole s'attèle à la tâche il ne le fait que par passion et y passe le temps qu'il faut. Si en plus le pro voit son texte réécrit, coupé, agencé, défiguré par sa hiérarchie, la différence de 5 euros vaut-elle l'enjeu ? À de rares exceptions cette presse est condamnée.
Lorsque les revues spécialisées font leur une sur des stars disparues et négligent les jeunes artistes émergents elles se coupent du nouveau lectorat qui grandit avec les artistes de sa génération. Cette presse est condamnée.
Le papier coûte cher à fabriquer, distribuer, envoyer. Il n'a d'avantage que sa conservation. Internet offre une actualisation immédiate. Passé quelques jours, les quotidiens et les hebdomadaires qui collent à l'actualité font de bons allume-feu, au sens propre, encore que Le Monde prend moins bien que Libé. Cette presse est condamnée.
Les journaux appartiennent pour la plupart à des banquiers et des marchands d'armes, eux-mêmes liés au gouvernement qui leur fournit la plupart de leurs informations politiques et économiques. S'ils ruent dans les brancards on leur coupe les tuyaux qui les alimentent. Ils dépendent aussi des annonceurs par la publicité. Mêmes conséquences. L'information qu'ils délivrent est forcément gauchie par le système qui les tient en vie, sous perfusion. Cette presse est condamnée.
Seule pourra survivre et se développer une presse libre et indépendante, soutenue par son lectorat et par celles et ceux qui se sentent réellement investis dans leur action investigatrice, analytique ou critique. La participation des citoyens est également déterminante, on le constate dans des modèles tel Wikipédia qui a relégué l'Encyclopedia Universalis aux oubliettes. Dans ce cas particulier on pouvait trouver les articles passionnants lorsqu'on n'y connaissait rien, mais ils devenaient ridicules et truffés d'erreurs pour un spécialiste. Le participatif permet de corriger instantanément les à-peu-près, même s'il est perfectible. L'amateurisme, issu étymologiquement du verbe aimer, gagnera les professionnels qui retrouveront les raisons qui leur firent choisir cette voie lorsqu'ils débutèrent. Il faudra leur donner les moyens de travailler correctement en les rétribuant conformément à leur apport. L'investigation prend du temps, une bonne photo comme un bon article dépendent aussi du style. Formater les articles selon les règles apprises dans les écoles de journalisme ne produit pas toujours les meilleurs résultats. Cette presse est condamnée.
Tout reste à inventer, et la solution réside toujours dans l'énoncé de la question. Il faut remonter aux sources. Se souvenir du pourquoi et affiner le comment. Cette presse a de beaux jours devant elle.