70 Humeurs & opinions - juillet 2024 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 10 juillet 2024

Errare humanum est


[Depuis cette] discussion passionnée, rapportée le 8 octobre 2012, avec Valéry Faidherbe sur le rôle capital de l'artefact dans la création artistique, il a, entre autres, réalisé le magnifique chapitre Les champs les plus beaux de mon film Perspectives du XXIIe siècle qui sera projeté le 31 octobre au Musée d'Ethnographie de Genève (MEG) suivi d'un concert avec Amandine Casadamont.

Nous avions assisté la semaine dernière à la projection d'Impressions de Jacques Perconte au Couvent des Bernardins. Le vidéaste compresse ses plans en abîme pour faire surgir des formes et des couleurs incroyables dont les mouvements acquièrent une puissance poétique époustouflante. Je me suis carrément envolé avec les oiseaux qui laissent une trace rémanente dans le ciel de Normandie ou j'ai cru rêver en symbiose avec la tendresse des deux vaches psychédéliques qui se confondent avec l'herbe qu'elles broutent. Jacques a aussi réalisé MEG 2152, un autre merveilleux chapitre de Perspectives du XXIIe siècle, avec des truites cette fois !

Continuant dans la métaphore animalière Valéry cite l'opéra Nabaz'mob que j'ai composé avec Antoine Schmitt pour cent lapins communicants. L'erreur dans le système produit des variations infinies de l'œuvre et lui donne son sens, réflexion sur l'ordre et le chaos, sur la velléité de vivre ensemble sans y parvenir. S'il s'agit de cent robots interprétant musique et ballet il n'en reste pas moins qu'ils sont programmés par des humains et que l'imperfection est le propre de l'homme. Errare humanum est.

Chez tous les grands artistes c'est l'erreur ou la maladresse qui fait le style. Le reste n'est qu'académisme (le caca des mîmes). En poussant les machines dans leurs derniers retranchements l'artiste s'approprie la technique en la dévoyant de son propos initial. Lorsque je programme des sons sur un synthétiseur les plus intéressants sont ceux que son fabricant n'a pas prévus. Nous nous jouons de ces erreurs pour créer, cette perversion nous permettant de retrouver plusieurs travers qui caractérisent à la fois les artistes, mais aussi les humains dans leur nature dénaturée (je pense au magnifique roman de Vercors, Les animaux dénaturés) : l'imperfection poussée jusqu'au sublime, la maîtrise et son impossibilité, la vanité, vanité de faire et, plus encore, de défaire.

Et Bernard Vitet de me rappeler la fin de la citation latine : sed perseverare diabolicum ! Et Bernard de casser sa pipe l'année suivante.

P.S.: il en est de même avec l'IA qui produit du banal à base de banal à moins de se saisir de l'outil et de pervertir les processus pour aboutir à des œuvres qui nous ressemblent.

lundi 8 juillet 2024

Entrée à volonté


On entre. On sort. Par la porte. Par la fenêtre. On entre. On sort. Par le col ou le bistouri. Les pieds devant. La tête la première. On entre. On sort. La tête haute. Les épaules rentrées. On entre. On sort. Comme un hareng ou en ermite. En rang d'oignons ou avec un drapeau. On entre. On sort. La glace explose en mille morceaux. Le vent s'engouffre. Les tapis volent. On entre. On sort. Question de volonté. Ou d'appétit. Mais question sans réponse. On entre. On sort. Sur la pointe des pieds. En fanfare. Comme si de rien n'était. Avec les honneurs. On entre. On sort. Au delà du seuil rien d'autre n'existe. C'est si court. Que l'on marche ou que l'on courre. Pas le temps de dire ouf. On entre. On sort. D'un pied sur l'autre. Une hésitation. Mine d'entrer. Semblant de sortir. Plus vite cette fois. Une vibration. On y entre. Encore plus vite. Encore. Encore. On ne s'en sort pas.

Article du 2 octobre 2012

mercredi 3 juillet 2024

À la découverte du patrimoine méconnu d'Île-de-France - Épisode 2


Après le premier épisode consacré à La Maison Fournaise, celui-ci évoque le canotage sportif en exposant une périssoire, deux skiffs, un canoë et deux paires d'aviron. Le sujet proposé par la DRAC rime évidemment avec les prochains Jeux Olympiques. J'avoue avoir eu un peu de mal à trouver le ton musical jusqu'à ce que me vienne l'idée du bois, du bois dont sont faits les avirons ! Comme dans le premier épisode, j'ai utilisé le piano pour des parties plus convenues, mais c'est le marimba qui m'a donné la solution. C'est un xylophone grave aux larges lames de padouk ou de palissandre avec des résonateurs en métal. L'aspect répétitif des séquences musicales évoque évidemment les rameurs et ma manière d'agencer les timbres a quelque chose d'aquatique. J'ai juste ajouté quelques coups d'avirons au début, un train à vapeur avec sa sirène et le bruit des pages. Je n'ai aucune idée du prochain épisode, mais chaque partition sonore est très excitante à réaliser.



Étonnant Patrimoine ! - #2 Les sports nautiques d'autrefois

lundi 1 juillet 2024

Quand sonne le glas


À tou/te/s les ami/e/s qui sont catastrophé/e/s par les résultats du premier tour des élections législatives, je réponds que la résistance sera à la taille de l'agression. Face au dézingage du public (santé, éducation, culture, information, etc.), si le RN devient majoritaire, nous nous organiserons. Pour celles et ceux qui voient la Bête se réveiller, je leur rappellerai que les résistants n'étaient pas nombreux à s'y affronter. Certes, les ravages risquent d'être considérables auprès de certaines populations ou secteurs professionnels, mais cela n'aura qu'un temps. La vie n'est pas faite que de bonnes nouvelles, mais elles succèdent toujours aux mauvaises. La réciproque est vraie aussi hélas. L'histoire est faite de fosses et de crêtes. Je suis plus inquiet par l'état de la planète que par la politique des nazes qui risquent d'arriver au pouvoir si nous n'arrivons pas à mobiliser le maximum de citoyens. Évidemment les choses sont plus complexes qu'exposées par ces quelques mots. Ici aujourd'hui les fachos sont plus dangereux que les stals ! Quel est l'intérêt des banques ? De quoi le Capital se contentera-t-il le mieux ? Quelle union est possible quand les élections ressemblent surtout au marché de l'emploi ? La problème n'est-il pas constitutionnel et sociétal ? Quelle démocratie cautionnons-nous ? Jusqu'où porte notre altruisme ? Quelles sont les limites de nos frontières, de nos frontières mentales car ce sont elles qui brident notre analyse ? La boule de cristal reste opaque. Tout est possible, le pire comme le meilleur, mais ne baissons jamais les bras face à l'imbécilité criminelle et suicidaire que génèrent le profit et la manipulation de masse.

Illustration de Jannis Kounellis