lundi 17 février 2025
Elsa, le chant funambule
Par Jean-Jacques Birgé,
lundi 17 février 2025 à 00:01 :: Musique

S'il n'est jamais simple pour un artiste d'être relaté à ses parents, il est toujours agréable d'être reconnus pour les géniteurs de son enfant (de la balle). J'étais un peu mal à l'aise d'être le fils de mon père quand il me présentait à ses anciennes connaissances comme Jeanne Moreau, France Roche ou Pierre Dac, mais j'étais ému de le voir si heureux sur son lit d'hôpital lorsqu'il expliquait à un infirmier qui n'en avait rien à faire que j'étais compositeur, et d'ajouter "d'opéra" pour tenter d'amadouer le type qui refaisait son lit. Aujourd'hui ma fille Elsa est en couverture de Citizen Jazz (belle photo de Jeff Humbert) avec un entretien où je reconnais ses aspirations comme ses respirations. On m'a souvent demandé si j'étais fier de ce qu'était devenue Elsa. Je répondais chaque fois que j'en étais heureux, mais que la fierté elle ne la devait qu'à elle-même et à son travail. Quand elle se contorsionnait sur son trapèze, perchée au centre du Cabaret Sauvage plein à craquer, qu'elle décroche le Grand Prix de l'Académie Charles Cros dont j'ai longtemps rêvé pour l'avoir lu, enfant, sur une étiquette de mon disque de La Marque Jaune ou qu'elle s'épanouisse dans son art vocal me comble de joie. Ses choix artistiques sont loin des miens et c'est tant mieux pour elle. Sa mère et moi n'y sommes évidemment pas pour rien, mais son art ne tient qu'à elle, et aux rencontres qu'elle fait depuis qu'elle vole de ses propres ailes. Sur la couve notre nom est en énorme, mais c'est son prénom qui devrait l'être. Et c'est certainement sa maman qui lui a légué le goût des belles mélodies. Ne sommes-nous pas tous et toutes faits de ce mélange ou de ce tri, n'acceptant ou ne rejetant jamais totalement notre héritage, y picorant ça et là ce qui permettra de nous construire, parce que nous ne sommes pas ce qu'ils furent, que nous sommes nous, mais qu'avec le temps nous finissons pas identifier ce qu'ils nous ont laissé. Ils ont fait ce qu'ils pouvaient. Dans une chanson j'avais écrit : "on n'a jamais de bons parents, on a parfois de bons enfants". J'entendais par là que la névrose est toujours familiale, merci papa, merci maman, mais qu'il y a des enfants qui nous inquiètent moins que d'autres. Je n'ai qu'une fille, elle est franchement ravissante, entendre qu'elle me ravit, et son entretien mené par Franpi Barriaux lui ressemble bien.

P.S.: dans le même numéro de Citizen Jazz vous pouvez lire une chronique de son dernier disque, Il pleut, avec le groupe Odeia, disque ÉLU, ainsi qu'une autre, de mon propre Animal Opera, ÉLU lui aussi, j'y reviendrai plus tard.