Sextant est une revue "acoustellaire" et, il me semble, trimestrielle. Deux numéros sont déjà sortis, le premier consacré au contrebassiste Henri Texier, le second au duo constitué, tête-bêche, du claviériste Benoît Delbecq et du batteur Steve Argüelles. Chaque numéro tourne autour de sa tête d'affiche, entourée d'entretiens avec ses proches collaborateurs et d'articles satellites. La mise en pages, aérée et intelligemment illustrée, est particulièrement soignée, la qualité des articles nettement au-dessus de la moyenne et le tout est accompagné d'un CD ou d'un DVD truffés d'inédits. Les entretiens sont suffisamment longs pour que les compositeurs interrogés aient le temps de s'exprimer et leur approche est d'une précision et d'un niveau rarement abordés dans les journaux de musique (voir billet du 29 juin).
Le n°1 convoque Noël Akchoté, Guy Le Querrec, Julien Lourau, Manu Codjia, Tony Rabeson, Label Bleu, avec des articles sur l'esclavage ou la spiritualité navajo... Le DVD offre des extraits du très long entretien avec Texier, plusieurs petites pièces sonorisées avec la guitare d'Akchoté et le court-métrage sur Sangatte de Laura Waddington, Border.
Le second rassemble Guillaume Orti, Olivier Sens, Christophe Disco Minck, Charlie O., Olivier Cadiot (écrivain à découvrir absolument si ce n'est déjà fait, j'y reviendrai, ses pièces de théâtre font partie des rares où je ne me suis pas ennuyé), Sylvie Astié, Marcelline Delbecq, Dominique Petitgand, des articles sur le label Plush, l'alchimie et l'Oulipo. J'avoue être plus sensible aux préoccupations des invités de ce second numéro, et le CD qui l'accompagne propose une série d'inédits passionnants : Ambitronix, Argüelles et Req, Charlie O., un remix de Rokia Traoré par les Recyclers, les mêmes avec Olivier Cadiot, plus Ashley Slater, et Jay Gottlieb interprétant une pièce pour piano de Delbecq. Cette compilation est extrêmement agréable et m'a tenu en éveil jusqu'à ce que je m'endorme délicieusement sur le dernier morceau, heure de la sieste oblige.
Rappel : Henri Texier fut l'invité d'Un Drame Musical Instantané en 1992 sur Pour garder l'ADN en état 409 où il joue du oud (Opération Blow Up, GRRR 2020). Nous lui devons l'initiative de Sarajevo Suite que je dirigeai artistiquement en 1994. C'était la première fois qu'Henri enregistrait avec son fils Sébastien.
Benoît Delbecq et Steve Argüelles jouèrent sur plusieurs morceaux de Machiavel en 1998 (GRRR 2023). J'ajouterai que j'ai adoré jouer sur scène avec Henri lorsqu'il improvisait, que Steve est l'un des meilleurs batteurs que j'ai rencontrés (nous nous sommes connus lorsqu'il remplaça Jacques Thollot au pied levé sur Birgé Hôtel aux Instants Chavirés ; je n'aime que les batteurs qui font chanter leur fûts) et que j'adore la gentillesse et la subtilité de Benoît, que j'appelle Bip Bip tant il est difficile de saisir au vol ce camarade enjoué, toujours parti par monts et par vaux !