70 Musique - juin 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 22 juin 2012

La boîte à musique programmable


Avec le temps le plastique s'effrite. Rien qu'à le frôler le cylindre crénelé est parti en morceaux. Panique à bord. Deux mille cinq cents personnes assis dans la nuit sur les gradins du Théâtre Antique et un silence mortel au moment où j'aurais tourné la manivelle ? Ma boîte à musique programmable fait partie de l'instrumentation du Prix Découverte des Rencontres d'Arles le 5 juillet. Antonin-Tri Hoang aurait su rattraper le coup avec son alto ou sa clarinette basse, mais les moustiques camarguais de fondre sur moi, alléchés par mes sueurs froides. L'horreur ! Vingt-cinq ans de bons et loyaux services pour finir par se désagréger à peine on l'effleure. Heureusement Lutèce Créations commercialise l'objet que j'avais acheté dans une boutique du Palais Royal. Miracle d'Internet, de la carte bleue et de la Poste, en arrive une toute neuve. Comme les vis sont au même endroit il n'y a qu'à la fixer sur la boîte à cigares servant de résonateur et le tour est joué. Des p'tits trous, des p'tits trous, toujours des p'tits trous, des trous de première classe percés avec la pince livrée avec, pour composer sa propre musique. Vingt notes seulement ; passer à trente-trois pour bénéficier d'une gamme chromatique est au-dessus de mes moyens. D'autant qu'il en existe de jolies virtuelles chez SonicCouture ou UVI ! Ce n'est pas pareil. Tournez, tournez manège, les petits bruits de la mécanique donnent une poésie inégalée.

jeudi 21 juin 2012

Comble de l'autodidacte


Si j'ai le même plaisir à composer de la musique personnelle ou de la musique appliquée, soit de ma propre initiative ou sur commande, je classerais mes œuvres en deux catégories, respectivement celles qui font directement référence à l'une des Histoires de la musique et les autres où mon inspiration va puiser ses sources dans d'autres médias. Je m'aperçois que j'ai presque toujours évité de monter des orchestres avec une rythmique basse-batterie comme mes camarades du jazz ou du rock. Mais je ne m'en suis jamais privé lorsqu'il s'agissait d'écrire une musique dans l'un de ces genres, ou de concocter un truc techno qui déménage. Pour l'exemple Un Drame Musical Instantané était initialement constitué d'un trompettiste, d'un guitariste et d'un polyinstrumentiste-synthésiste, soit une drôle de formation qui réunissait Bernard Vitet, Francis Gorgé et moi-même.
Ou encore. Ce mois-ci j'ai enregistré douze minutes de musique quasi symphonique pour accompagner la projection des photographies des lauréats du Prix Pictet lors des Rencontres d'Arles le 4 juillet prochain au Théâtre Antique. En découvrant mon travail, le "client" marmonnait au fur et à mesure des mouvements : "Penderecki, Wagner, Dutilleux..." Rien de conscient de ma part, juste le désir de répondre à un besoin, être utile. Car lorsque je compose pour des tiers j'obéis souvent à un système référentiel, comme tous mes confrères et consœurs, histoire de fournir des pistes claires au public. La différence est de taille : lorsque je joue librement, dans mes spectacles et mes projets personnels, les références ne sont presque jamais musicales. Les chercher dans mon quotidien, la vie politique et sociale, l'histoire et la géographie, mes lectures et mes sorties, et surtout le cinéma. Être autodidacte en musique m'octroie cette liberté ou cette contrainte, devoir inventer, faute de savoir. Diplômé de l'Idhec (devenu la Femis), je ne pouvais y prétendre pour les films. Ma cinéphilie faisait obstacle et ma culture générale me poussait vers l'encyclopédisme, tandis que mes incompétences musicales m'ont toujours obligé à imaginer des manières originales de contourner les obstacles.
Confronté à la commande, l'usurpateur se sait obligé d'y arriver malgré tout, et me voilà inventant des stratagèmes pour évoquer poétiquement faute de pouvoir reproduire scolairement. En cela, depuis le début des années 70 les nouvelles lutheries, acoustiques, électroniques et informatiques m'auront beaucoup aidé. Jouer d'un instrument rare ou construit spécialement pour moi me permet également de ne souffrir aucune comparaison tout en défrichant des terres inexplorées. Il n'empêche que, suivant les nécessités que réclament les commandes, je me suis plus d'une fois surpris à composer "à la manière de", faux Vivaldi, Prokofiev, Zappa ou imitant gauchement la musique populaire de notre époque, me jouant de manière perverse des références que je consomme d'habitude avec la curiosité de l'ethnologue. J'en retire la satisfaction du bon élève, mais lorsque cela ne ressemble à rien, me privant de tout espoir de rentabilité à court terme, le plaisir est à son comble.

mardi 19 juin 2012

Vinylmania


Il y a un fossé immense entre aimer la musique ou les beaux objets et la collectionnite aiguë, apanage de nombreux mâles célibataires. On a pu le constater avec le livre de Nick Hornby, High Fidelity, et son adaptation cinématographique par Stephen Frears avec John Cusack et Jack Black. Vinylmania de Paolo Campana promu par le Disquaire Day n'en a hélas pas l'étoffe. C'est marrant pour les fétichistes qui partagent la même passion, mais on n'apprend pas grand chose. Aucune étude scientifique sérieuse sur la différence entre analogique et numérique, aucune présentation de belles pochettes et il en existe pourtant d'historiques, plus intéressantes que celle d'Abbey Road, aucune analyse expliquant pourquoi les majors ont "menti" sur les qualités du CD et quelle est la réalité, aucun entretien avec de jeunes musiciens préférant revenir au vinyle, etc. Juste le beau timbre vocal du réalisateur italien arpentant la planète pour rencontrer des collectionneurs qui répertorient le nombre de disques en leur possession. La seconde galette (numérique !) de ce double DVD recèle néanmoins quelques pistes absentes du film. Il faudra donc continuer à creuser son propre sillon pour comprendre ce qui attire aujourd'hui les fondus du vinyle.


Lorsque j'étais petit il y avait encore des 78 tours à la maison. Chaque face ne pouvait restituer que quelques minutes, une ou deux chansons. Trop lourds à déménager, je me suis débarrassé de la majorité d'entre eux le siècle dernier. Mon père, dans sa période "critique", recevait des vinyles pour la jeunesse, 45 tours 17cm et 33 tours 25 et 30cm. Ces évocations "radiophoniques" ont bercé mon enfance et influencé plus tard mes compositions musicales. À 9 ans je gagnai mon premier disque, Les Touistitis de Paris, à un concours de twist à La Baule, organisé par France Inter. Claude François à l'Olympia fut le premier 33 tours que j'achetai avec mon argent de poche, gagné en allant acheter le pain, dix centimes par dix centimes. Bernard, qui tourna avec lui pendant plusieurs années, m'en a raconté de bonnes et de terribles que je relaterai lorsqu'il y aura prescription. Mon voyage à Londres en 1964 amorça l'engouement pour la musique, Rolling Stones et Beatles aidant. Comme cela coûtait assez cher j'enregistrais les collections des copains plus fortunés ou plus gonflés, capables de chaparder pour assouvir leur curiosité et leur soif de culture.
En 1975 je fondai GRRR, mon propre label, et publiai l'album devenu culte, Défense de de Birgé Gorgé Shiroc. Le catalogue comprend toujours les disques d'Un Drame Musical Instantané, Hélène Sage, Michèle Buirette, Bernard Vitet, mais en 1987 nous sommes passés au CD. Comme nous étions les premiers à vouloir jouir des possibilités offertes par ce nouveau support (le silence, la durée), il nous est resté quantité de 33 tours qui se vendent aujourd'hui surtout aux USA et au Japon. Je n'ai pas renouvelé ma collection de vinyles, pop, jazz, chansons, classique, opéra, qui occupe pourtant une place folle sur les étagères. La durée d'une face était idéale (au delà de 20 minutes la pause nécessaire pour changer de face est salutaire pour préserver une écoute fraîche et attentive). Les pochettes offraient aux graphistes une surface généreuse pour inventer. Je préfère goûter les œuvres sur les supports pour lesquels elles ont été créées, mais je suis loin d'être un puriste comme les collectionneurs que Paolo Campana a rencontrés pour son film Vinylmania (distribué par Dissidenz depuis le 5 juin).

À lire : Disque physique contre album virtuel

mardi 12 juin 2012

Joce Mienniel, Paris Short Stories (saison 1)


Paris Short Stories Saison 1 est loin d'être le premier enregistrement du flûtiste Joce Mienniel, mais c'est le premier album sous sous son nom seul et une réussite. Laissant de côté ses talents de compositeur il a choisi d'arranger des standards de notre époque signés Michel Portal, Sébastien Texier, Joni Mitchell, Frank Zappa, Björk, Jaco Pastorius et Lennie Tristano. Tous sont d'une très grande invention grâce à un alliage de timbres rares et la participation de musiciens de la nouvelle génération des jazzmen français ayant souvent étudié au Conservatoire et s'en étant brillamment affranchis. Pour cette aventure inspirée par les musiques de film les plus originales, entendre ici celles qui se démarquent des conventionnelles violonades hollywoodiennes et des illustrations redondantes, Joce Mienniel a réuni trois trios extrêmement différents. Chaque groupe interprète trois pièces et tous jouent à leur tour une courte version de Box 25/4 Lid de Hugh Hopper et Mike Ratledge qui clôturait le premier disque de Soft Machine. Mienniel sait ainsi magnifiquement marier flûte et flûte basse avec la trompette d'Aymeric Avice et la clarinette de Sylvain Rifflet, avec les claviers de Vincent laffont et d'Antonin Rayon, avec le piano préparé d'Ève Risser et les guitares de Philippe Gordiani. Ici et là les instruments bénéficient de traitements que les nouvelles technologies suscitent. Si l'influence américaine est incontournable, il est temps que les musiciens européens s'affranchissent des standards des débuts du siècle dernier tant notre patrimoine contemporain recèle de joyaux. Le résultat est ici remarquable, surfant sur des mélodies et des rythmes au potentiel populaire tout en en proposant une lecture personnelle et inventive. L'écriture rigoureuse met en valeur la qualité des interprètes et la richesse de l'orchestration déploie un éventail de scènes évocatrices où la musique n'est pas seulement le vecteur de la narration, elle en constitue le récit, enchevêtrant les histoires à la manière d'un film choral (Drugstore Malone).

jeudi 7 juin 2012

Revue de presse ce soir avec Jacques Rebotier


Cinquième et dernier épisode. Après Louis Sclavis, Élise Caron, Guillaume Roy et Joëlle Léandre, c'est à mon tour de rejoindre Jacques Rebotier pour la dernière Revue de presse de la saison... Je compte brancher Internet en direct sur la Mascarade Machine, jouer du Tenori-on, ressortir mon V-Synth et emporter divers instruments acoustiques tandis que Jacques Rebotier tombera enfin le masque ou relèvera le gant : allez savoir s'il lit entre les lignes ou si ses monologues imprécatoires et les litanies qu'il nous adresse sont les éclaboussures du quotidien... C'est également ma dernière intervention au Triton (Les Lilas) avant l'été.
Pendant ces cinq mois j'ai également dirigé les séances d'enregistrement de la musique des films que Corinne Dardé a réalisés autour du projet. Il s'agissait de poser La Question du moment à des enfants, de jeunes adultes, ou des retraités comme cette fois, de les faire illustrer par d'autres gamins et de proposer à deux élèves du Conservatoire des Lilas d'improviser la musique de la vidéo montée. Les films sont ensuite projetés pendant la Revue de presse ainsi qu'un petit condensé de l'épisode précédent... J'imagine que ce dernier épisode post-présidentielles et pré-législatives bénéficiera d'une approche très différente des quatre autres...


Tarif réduit sur présentation du flyer ci-dessus !

mardi 5 juin 2012

Performance improvisée - 4e mouvement


Dernier des quatre extraits, "Ce que l'on souhaite" affirme le rôle de chacun ce soir-là. À hurler dans le Zube Tube j'en perdrai la voix. Claudia Triozzi poursuit son rôle dramatique tandis que Sandrine Maisonneuve joue de tous les muscles de son corps avec humour et légèreté. Vincent Segal passe du coq à l'âne avec un esprit d'à propos époustouflant. Les trois lieux où mes instruments sont placés m'obligent à des traversées de l'espace scénique que j'effectue chaque fois avec un instrument portable, cloche tubulaire, Kaossilator sur haut-parleurs miniatures, flûte transparente, réverbération acoustique à ressort, etc. Une heure plus tard, nous avons l'impression qu'à peine dix minutes se sont écoulées.


Voir également les 1er, 2e et 3e mouvements.

L'after se déroulera jusque tard dans la nuit avec les cent lapins de Nabaz'mob en répétition chez nous au premier étage (ils seront samedi et dimanche à la Gaîté Lyrique) et une foule d'amis et de gens que nous ne connaissions pas dans le jardin sous une douce température estivale. J'ai demandé à Françoise Romand d'affiner le montage que j'ai préparé du film qu'elle a tourné, histoire de partager notre euphorie avec les absents. Quatre petits tours et puis s'en vont.

lundi 4 juin 2012

Performance improvisée - 3e mouvement


Sandrine Maisonneuve et Claudia Triozzi font mine de se synchroniser. Mes gestes contrôlent la Mascarade Machine sans la toucher. Vincent Segal qui a enfilé les talons aiguilles de Sandrine danse en s'accompagnant de kass-kass. "Inspiration" aboutit à une sorte de comédie musicale déjantée où le quatuor s'en donne à cœur joie. Certainement le mouvement le plus inattendu.


Voir également 1er mouvement et 2e mouvement.

vendredi 1 juin 2012

Performance improvisée - 2e mouvement


"Quand la vie donne des ailes"... Claudia Triozzi est passée de l'italien au français pour le deuxième mouvement. Le matin même Éric Vernhes avait soudé un jack à la crackle box qu'il venait de me construire. C'est la première fois que j'en joue. Cette soirée fut une longue addition de premières fois. Nous étions peut-être encore plus étonnés que le public par nos facéties, les seuls à savoir que rien, mais rien du tout, n'avait été prévu ni programmé. Rencontre impromptue sans autre filet que nos expériences individuelles.


Voir le 1er mouvement avec également Sandrine Maisonneuve et Vincent Segal.